Ma méditation, ce matin, est née de trois faits.
D’abord la présence, ici, du mouvement Amitié-Espérance qui porte un nom magnifique. On le prononce habituellement sans trop y faire attention, mais arrêtons-nous un instant sur ces deux mots.

D’abord Amitié. Dans notre société, l’amitié a fait un retour discret mais bien réel. Tout le monde parle de l’amour en donnant à ce mot tant de significations diverses, pour le meilleur et pour le pire. Mais l’amitié, si difficile à définir, révèle une tonalité particulière de l’amour qui implique respect, gratuité, disponibilité, décentrement de soi, liberté.
La Bible nous dit : « Un ami fidèle est un puissant soutien ; qui l’a trouvé a trouvé un trésor. » (Si 6, 14-16) Et saint Thomas d’Aquin : « L’amitié est la forme d’amour la plus parfaite parce qu’elle n’est pas possessive, parce qu’elle exalte l’égalité des personnes. »
Hors, nous le savons tous, une des souffrances profondes de notre société, c’est la solitude : solitude des célibataires, solitude des personnes âgées – de plus en plus âgées – solitude des malades, solitude des dépressifs, solitudes des prisonniers, solitude dans les couples, solitude des mourants…
La première fissure qui peut entamer ces solitudes, c’est l’attention à l’autre, l’écoute de l’autre, le respect de l’autre, quel qu’il soit, là où il en est. Votre mouvement, qui existe depuis une trentaine d’années, commence par cette amitié proposée. Elle dépasse d’ailleurs deux personnes pour se faire communautaire. C’est de cette amitié que peut surgir l’espérance. Je dis bien l’espérance, non pas l’espoir et encore moins l’optimisme.

L’espérance dont je parle, c’est celle qu’a vécue Thérèse Martin, devenue sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face. C’est le deuxième fait. Nous sommes ici chez elle et elle nous accueille comme un témoin de l’espérance.
La solitude et la souffrance, elle les a bien connues : perte de sa maman à quatre ans et demi, ce qui va entrainer chez elle dix ans d’hypersensibilité et des perturbations de sa psychologie d’adolescente.
Puis, c’est la maladie de son père bien-aimé, interné trois ans à l’hôpital psychiatrique du Bon-Sauveur de Caen. Il mourra sans avoir retrouvé sa lucidité – terrible épreuve pour lui, pour sa famille, spécialement pour sa dernière fille cloîtrée au carmel à quinze ans.
Enfin, solitude et souffrance de Thérèse atteinte de tuberculose – maladie tant redoutée qui, à son époque, tuait par an cent cinquante mille Français.
Nous savons comment son corps de vingt-quatre ans sera peu à peu détruit. À quoi s’est ajoutée, pendant les dix-huit derniers mois de sa vie, une redoutable épreuve de la foi et de l’espérance qui va la laisser déroutée devant la mort proche, et lui donnera l’impression qu’elle va se perdre dans le néant.
Ainsi trop vite résumée, la vie de la sainte de Lisieux ne serait-elle qu’un roman noir à la Zola ?
Non ! Car, à travers ces épreuves, Thérèse reste le chantre de l’espérance théologale que Dieu Trinité donne avec la foi et l’amour. Elle a écrit : « Ma folie à moi, c’est d’espérer . » (Manuscrit B, folio 5 verso)
Espérer quoi ? Espérer qui ? Espérer quelqu’un. La vie de Thérèse se résume dans une sorte de devise qu’elle répétait souvent : « Aimer Jésus et le faire aimer. »

Ce qui nous conduit au troisième fait de notre rencontre d’aujourd’hui : nous célébrons avec l’Église universelle la fête du Corps et du Sang du Christ.
Jésus a connu la solitude comme personne n’a pu la connaître : solitude parmi les hommes qui ne l’ont pas compris (et d’abord ses disciples), solitude dans l’échec de sa prédication, solitude devant les attaques de ses adversaires, solitude de sa Passion. Il a touché le fond de la douleur des hommes en épousant, sur la croix, leur solitude.
Et pourtant… et pourtant… il a dit : « Je ne suis jamais seul. Le Père est avec moi. » (Jn 16,32).
Ce qui sauve Jésus de la solitude, c’est l’amitié de son Père.
Toute la liturgie du temps pascal nous l’a répété pendant cinquante jours : la mort n’a pas eu le dernier mot. L’espérance a été la plus forte. Le dernier mot, c’est l’amour d’amitié qui a conduit Jésus à donner sa vie pour nous et pour la multitude. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13) et de se faire nourriture dans l’eucharistie.
Car l’ultime révélation est là : Jésus dit à chacun et à tous : « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis. » (Jn 15,15)
Prodigieuse bonne nouvelle : en Jésus, notre Ami, nous devenons amis de Dieu !

Thérèse vivait cette réalité merveilleuse : « Ma voie est toute de confiance et d’amour. Je ne comprends pas les âmes qui ont peur d’un si tendre Ami. » (Lettre 226)
L’amitié de Jésus l’a fait traverser sa solitude et ses souffrances. Cette amitié l’a conduite à l’espérance ; écoutons-la : « Toute mon espérance était dans le Bon Dieu seul. » (Manuscrit A, folio 66 recto) ; « Jamais mon espérance ne m’a trompée. » (Manuscrit C, folio 22 verso) ; « Oui, toutes mes espérances serons comblées. » (Lettre 230)
L’histoire de sa vie posthume nous le confirme.
Quelqu’un m’a dit : « L’espérance, c’est la foi en l’amour. ». En Jésus ressuscité, notre Ami, « entrons dans l’espérance » comme nous y conviait Jean Paul II qui a déclaré Thérèse Docteur de l’Église.
Frères et sœurs, votre mouvement porte un nom qui est un programme de Vie : Amitié-Espérance.
Il faut aller au bout de sa signification. En faisant de nous ses amis, le Seigneur nous ouvre à « espérer contre toute espérance » (Rm 4, 18) et il nous appelle, quelque soit notre situation, quelque soit notre vocation, à être « porteur d’espérance » dans notre monde.

Références bibliques : Gn 14, 18-20 ; 1Co 11, 23-26 ; Lc 9, 11-17

Référence des chants :

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