Au commencement, était une parabole

Voici la première d’une série de paraboles : la parabole du Semeur. C’est un nouveau départ dans l’enseignement de Jésus. Et comme tous les débuts dans la Bible, il rappelle le commencement de la Parole de Dieu : les premières pages de la Genèse. Au commencement, Dieu a créé les herbes et les arbres portant leurs graines. Il a planté un jardin en Éden et il a institué Adam horticulteur. En inaugurant aujourd’hui ses paraboles, Jésus nous replace donc dans les lieux où, depuis les origines, Dieu et les humains se retrouvent et collaborent : la terre, la semence, la vie en croissance.

Jésus invente une mise en scène efficace pour rappeler à ses auditeurs leur condition de terriens. Il enseigne d’une barque tandis que les foules sont disséminées le long du rivage. Pour entendre la parabole des grains semés en terre, il faut des gens parsemés sur la terre ferme. Car c’est sur terre que l’on trouve le Royaume des cieux. C’est cela qu’une parabole est chargée de désigner : la présence concrète, terrestre, de Dieu parmi nous ; la logique de Dieu, bien visible, et pourtant très peu vue, à l’œuvre dans nos vies. Beaucoup ont des yeux, dit Jésus, et ils ne voient pas – ou ne veulent pas voir.

Le semeur : Dieu et tout être qui parle pour dire quelque chose

Qui est le semeur qui sème à tous vents ? C’est Dieu le Père, la source de toute parole. C’est Jésus, le Fils, le Verbe fait chair. C’est aussi tout homme qui fait entendre une parole venue de plus loin que nous. Depuis le jardin des origines, les humains sont appelés à coopérer avec Dieu sur cette terre ; ceux qui acceptent cette collaboration apprennent de l’intérieur ce que Dieu vit et endure. Dieu parle, il sème une parole qui donne vie, pourtant cette parole reste pour beaucoup lettre morte. De même, un homme, une femme, qui prennent le risque de dire autre chose que les préjugés de leur groupe ou les banalités que tout le monde ressasse ont souvent l’impression que leur parole tombe à côté de son but. Parler en vérité, parler pour donner la vie, c’est vivre une expérience de Semeur, comme Dieu lui-même, avec Lui, en Lui.

La parole semée : expérience quotidienne de Jésus

Jésus évoque, dans sa parabole, toute situation, divine et humaine, où une authentique parole est proposée à d’autres. Il évoque d’abord son propre travail au quotidien dans lequel beaucoup peuvent se reconnaître. Exceptionnellement ici, Jésus donne l’interprétation de sa parabole. Il la donne comme une clé qui permet de comprendre toute son activité : l’accablement quand sa parole n’est pas entendue ou pas désirée, et la jubilation lorsque sa parole est acceptée, absorbée comme une semence de vie. Les exemples sont nombreux dans les évangiles qui illustrent la parabole.

Souvent la parole du Christ tombe par terre et les gens continuent leur chemin comme s’il n’avait rien dit. Elle tombe aussi sur le sol rocheux de cœurs de pierre : combien de fois Jésus se désole devant la dureté de cœur de ses contradicteurs. Parfois, elle tombe dans les épines des richesses qui étouffent tout : pensons au jeune homme riche qui paraissait si prometteur.

Et puis il y a ceux qui sont des bonnes terres, chez qui la moindre graine de parole de Jésus fructifie. Des gens toujours paradoxaux, que personne ne voyait. Il y a une vierge, la mère de Jésus, qui accueille la parole venue de Dieu et porte bientôt un fruit béni dans son sein. Un centurion romain qui demande la guérison de son esclave – pour Jésus, c’est un excellent terreau de la foi la plus vigoureuse. Et puis une prostituée de village qui verse sur les pieds de Jésus un parfum précieux ; tout le monde murmure, mais Jésus la désigne comme une femme du Royaume. Et le bandit crucifié à côté de Jésus ; de la mauvaise graine, pense-t-on : le premier fruit du paradis nouveau pour Jésus. Et combien d’autres.

Logique du Royaume : la parole accueillie par un profite à beaucoup

Humainement, on peut être tenté de dire : nous sommes chacun un peu toutes les terres. Mais c’est là du rafistolage pour mettre toute situation au même point, pour aboutir à un consensus rassurant ; c’est du sauve-qui-peut humain et pas du salut divin. La parabole dit tout autre chose, elle qui s’acharne à distinguer, à discerner les différents terrains. La femme au parfum, le centurion, le bandit, contre toute apparence, ne sont pas des terres mélangées. Ce sont des bonnes terres, malgré les accidents de terrain.

Notre parabole désigne les hommes et les femmes, appelés les bonnes terres, qui ont entendu la mystérieuse voix de Dieu et se sont laissé féconder par elle. Leur vie parfois n’est pas aux normes, il arrive qu’ils soient à mille lieues d’une confession de foi explicite, mais il y a en eux un respect pour la vie, une conscience qu’elle vient de plus loin que nous, une militance pour que cette vie ne soit pas humiliée, mais promue toujours. La Vierge Marie et la femme au parfum, le centurion et le bandit crucifié sont, au milieu nous, les bonnes terres qui enracinent le Royaume.

Pour un qui accueille la parole de vie, c’est trente, soixante, cent qui en profitent. Pour un qui prend le risque de fructifier, c’est une foule qui bénéficie de la vie ainsi implantée sur terre. Telle est la logique du Royaume. Et une bonne terre résiste à tout ; vous pouvez la couvrir d’épines comme d’une couronne, vous pouvez y placer un roc dur comme un tombeau, la bonne terre gorgée de la semence de vie produira de la vie. Le Christ relevé de terre, le premier-né d’une multitude, nous le redit en ce dimanche, lui qui nous offre maintenant à manger le fruit de la terre et du travail des hommes.

Références bibliques :

Référence des chants :

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