Frères et sœurs,
Amis en Christ,

Lorsque j’étais jeune lycéen, au début des années 70, je me plaisais à écrire dans les marges de mes cahiers : « faites l’amour et pas la guerre ». Ce slogan était même gravé sur ma règle et mon sac US très à la mode à l’époque.

L’amour…! Un mot tellement apprêté à toutes les sauces, qu’il en est devenu banal.
Mais rien n’y fait, l’amour reste un vocable enchanté dans l’esprit de tout homme, car, nous sommes tous pétris d’amour, créés pour aimer et être aimés.

Frères et sœurs, nous venons de réentendre un des plus beaux textes du Nouveau Testament, que l’abbé Pierre affectionnait plus particulièrement, bien connu aussi des jeunes couples, qui d’ailleurs se servent fréquemment de cet hymne à l’amour, pour la célébration de leur mariage.

L’Amour que saint Paul nous invite à vivre est universel et durable. Il est l’humble chemin quotidien d’une attention bienveillante à l’autre. Il est ce trésor qui résiste à l’usure du temps, qui fracasse les tombeaux de l’indifférence et du mal. J’en suis le témoin quotidien dans mon hôpital. L’amour de Dieu inonde le cœur de l’homme, chaque fois que la compétence médicale fait des merveilles, chaque fois qu’une main essuie des larmes qui coulent sur les joues d’un corps malade et abîmé, chaque fois qu’un sourire, un geste de tendresse sont offerts à des êtres fragilisés et vulnérables.

Cet amour pourtant n’est pas chose facile à vivre, parce qu’il implique le dépassement des réactions les plus instinctives de l’homme. C’est là, sans doute, la raison pour laquelle, dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus fut violemment rejeté par ses compatriotes, après avoir été tout d’abord accueilli dans leur synagogue. Car, au fur et à mesure qu’ils entendirent son message d’amour universel et ses exigences, leurs visages se figèrent.

De plus, Jésus se présente comme un prophète. Or constate-t-il « aucun prophète n’est bien reçu dans son pays » et, sans doute nulle part si l’on en croit le témoignage de Jérémie dans la première lecture, lui dont toute la vie fut traversée par le drame de l’adversité.

Mais, frères et sœurs, la mission du prophète n’est-elle pas de nous déranger, de parler avant qu’il ne soit trop tard, d’oser une parole chaque fois qu’un « homme est menacé comme image de Dieu et Dieu comme image de l’homme » ?

La vie de l’Abbé Pierre qui nous a quittés cette semaine pour la «Rencontre» tant attendue avec ce Père qui était pour lui amour, en est une merveilleuse illustration.

Cet homme d’Église, pétri d’Évangile, à l’esprit libre, ce frère universel savait bousculer nos pieux ronronnements. Sur tous les chemins d’Emmaüs, il s’était donné pour mission de faire reconnaître et aimer le Christ à travers ses frères les plus humbles, en portant l’espérance des pauvres et en prenant la défense de leur droit à vivre dignement. Voix des sans-abri, des réfugiés, des immigrés… ce génie de la charité, savait appeler à l’insurrection de la bonté, renvoyant chacun à ses responsabilités et à son devoir d’humanité. À l’image de ceux des prophètes, les mots de ce rebelle passionné, grondaient, dénonçaient, accusaient nos indifférences et nos négligences. Apôtre infatigable de l’amour, dans un monde dominé par la violence et l’égoïsme, l’Abbé Pierre était aimé parce qu’il aimait. Il calligraphiait au quotidien, non pas avec de l’encre mais avec son cœur, une belle page d’Évangile.

Cet amour de Dieu et des autres, que le Christ a enseigné et qui se dit aujourd’hui, dans toutes les langues avec les mêmes mots : fraternité, solidarité, tendresse, espérance… continue de se heurter aux résistances des nationalismes modernes, qui engendrent le racisme.

Si Jésus venait à nous dire aujourd’hui, que les Maghrébins, les Africains, les Asiatiques … les SDF, les « sans papiers », que nos côtoyons journellement, sont nos frères, qu’ils ont les mêmes droits que nous et méritent les mêmes égards, ne pensez-vous pas que ce Jésus-là dérangerait encore ?

N’en déplaise à certains, le Christ continue de nous parler ainsi, parce que c’est sa façon à lui d’aimer et d’ouvrir les frontières du cœur et de l’esprit.

Aimer à la manière de Jésus, c’est se mettre au service de l’autre, avec un cœur prêt à donner gratuitement, sans attendre d’être payé en retour.
Aimer selon l’Évangile, c’est vérifier toute parole par des gestes, à commencer par les plus humbles, ceux qui ne sont pas côtés au hit-parade des grands sentiments.
Aimer avec Jésus, c’est embrasser la croix du pardon, de la réconciliation et de la paix, plutôt que de brandir les armes de la vengeance et de l’excommunication.
Aimer chrétiennement c’est compter sur la seule charité pour révéler le visage de Dieu, Père de tous les hommes.
Amis de la paroisse Saint-Martin-du-Littoral, l’église Saint-Joseph, dans laquelle nous célébrons l’eucharistie ce matin, a été classée, avec le quartier Perret du Havre, au patrimoine mondial de l’humanité. On ne peut que s’en réjouir avec vous.

Néanmoins, frères et sœurs, qui que nous soyons, quelle que soit notre sensibilité, malade, handicapé ou bien portant, quelle que soit la couleur de notre peau, chacun d’entre nous est inscrit au patrimoine universel de l’amour de Dieu.

Ami en Christ, évoquant le face à face de "la Rencontre", l’abbé Pierre écrivait : « quand on a mis sa main dans celle des pauvres, à l’heure de mourir, on trouve la main de Dieu ».

Ami, aime, aime quelque fois maladroitement mais ne te lasse jamais d’aimer pour qu’au soir de ta vie, tu puisses balbutier du bout des lèvres avec l’Abbé Pierre : « J’ai essayé d’aimer ».

Amen

> Retrouvez le père Ledogar dans notre documentaire Le sacrement des malades .

> Retrouvez l’homélie prononcée par le Cardinal Barbarin, Archevêque de Lyon, lors des obsèques de l’abbé Pierre.

Références bibliques : Jr 1, 4-19 ; Ps 70 ; 1 Co 12, 31 – 13, 13 ; Lc 4, 21-30

Référence des chants :

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