Frères et Sœurs,

J’aime beaucoup cet Évangile qui nous invite à la rencontre du Christ à la façon de Bartimée. Il est aveugle, il est mendiant, …et il est assis au bord de la route.

Combien de fois ne sommes-nous pas les contemporains de Bartimée ? Sans morbidité mais avec « lucidité » ?
• Sa cécité rejoint tous nos aveuglements mais aussi tous nos éblouissements qui nous empêchent de voir clair.
• Sa mendicité exprime à la fois sa pauvreté mais aussi son manque et son attente de recevoir quelque argent sans doute, mais aussi et surtout des relations qui lui permettraient de dépasser sa solitude.
• Sa position qui le laisse au bord du chemin me fait penser à tous ceux et celles qui restent prostrés sur le chemin de la vie. Ce sont tous les laissés-pour-compte, les exclus, les marginalisés, les rejetés…
Et quand Bartimée se met à crier pour attirer l’attention de Jésus, on lui demande de se taire.
Image insoutenable et cependant tellement réaliste d’un monde (le nôtre) confronté à la question de celles et ceux qui ne trouvent pas leur place dans la société. Et c’est le plus souvent vers ceux à qui on refuse ce que j’appellerais le « minimum de leur dignité » que va Jésus, le Christ.

Tout l’Évangile est là pour nous (dé)montrer que la priorité du Christ – et donc de Dieu – est sans cesse de rejoindre ceux que trop souvent personne ne rencontre.
• Dieu ne s’accommode d’aucune exclusion !
• Dieu n’est jamais du côté de l’aliénation, mais de la libération, et donc de la vraie liberté.

Et Jésus « s’arrête »… car il ne se détourne jamais de celui qui l’appelle. Mais vient alors, dans le texte de l’Évangile de ce dimanche, la Parole que la foule adresse à Bartimée : « Confiance, lève-toi, il t’appelle. » Je crois qu’il n’y a pas plus beau résumé de l’Évangile parce qu’il n’y a pas de paroles plus fortes qui puissent rejoindre l’expérience humaine la plus profonde.
 « Confiance » : rien n’est possible sans la confiance. Et c’est l’absence de confiance qui nous établit dans des relations de « menacé-menaçant » ; c’est mortifère parce que la méfiance est à la source de toutes les violences.
« Lève-toi » : on ne peut être debout que parce qu’on a été relevé. Et qu’est-ce qu’être debout sinon l’attitude de celui qui peut mettre un pied devant l’autre, c’est-à-dire qui peut « avancer » ?
Dieu nous veut debout et ne cesse jamais de nous relever. Et quand on fait quelque peu l’étude exégétique de ce texte d’Évangile, on comprend vite que l’expression « lève-toi » ou « relève-toi » est la même que celle qui exprime la résurrection du Christ. « Lève-toi »… une façon de dire : « tu es ressuscité ! » à la vie.
 « Il t’appelle » : l’appel est au cœur du bonheur humain le plus profond. Personne ne peut bâtir son bonheur à l’unique force de ses poignets ou de sa « matière grise ». Personne… et heureusement ! Vivre, c’est être appelé à vivre. Que je sache, personne d’entre nous n’a demandé à venir au monde. C’est un cadeau à recevoir pour une tâche à accomplir.

Et le texte de l’Évangile continue. Bartimée court vers Jésus. Il ne le voit pas mais il l’a entendu. Et il a fait confiance !

En fait, sa confiance lui a ouvert les yeux. « Va, dit Jésus, ta foi t’a sauvé ». Mais il a cependant fallu que Bartimée le demande à Jésus : « Rabbouni (Maître), fais que je voie. »
Jamais, Dieu ne s’impose. Toujours, Il se propose. L’appel est du côté de Dieu mais la réponse nous appartient.

Et voici Bartimée guéri de sa cécité : « Va, dit Jésus, ta foi t’a sauvé. » Le miracle n’est pas du côté de l’extraordinaire mais du côté de l’humain le plus accompli, c’est-à-dire de « faire confiance ». Sans naïveté ni illusion mais avec la certitude intérieure que la confiance ouvre des chemins de vie et de clarté que l’enfermement (d’où l’enfer) ne peut imaginer ni, forcément, entrouvrir.

Aussitôt, dit l’Évangile, « Bartimée se mit à suivre Jésus sur la route. » Pour lui, désormais, il n’est plus possible de faire du « sur-place » ni même de rester sur place !

Il faut aller de l’avant. Non pas tout seul mais en mettant nos pas dans ceux du Christ : « il le suivait sur la route », dit-on de Bartimée.

Les ténèbres ne sont pas toujours là où on les imagine. Et la lucidité non plus ! Ce que nous révèle l’Évangile de ce dimanche, c’est l’étonnante lucidité de cet aveugle qui n’a pas hésité à franchir les frontières de sa cécité, de sa solitude et de ses a priori pour oser croire que la rencontre de Jésus serait source de vie nouvelle, de vraie liberté et de « claire-voyance ».

Au cœur de cette célébration, je voudrais nous inviter à entrer dans le mystère de l’invisible, là où – paradoxalement – la lucidité se fait plus évidente que dans le seul monde visible. C’est le lieu de la prière, de l’amour, de la foi, de « l’unique nécessaire ».

« Comme s’il voyait l’invisible » : n’est-ce pas là la découverte de Bartimée ? Sa guérison est d’abord – pas seulement ! – une guérison intérieure qui le fait accéder au plan de la foi qui est toujours au carrefour et au croisement du visible et de l’invisible.

Puissions-nous, ce matin, reprendre la route qui conduit au Christ et réentendre cet appel bouleversant : « Confiance, lève-toi, Il t’appelle. »
Amen.

Références bibliques : Jr 31, 7-9; Ps. 125; He5, 1-6; Mc 10, 46-52

Référence des chants :

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