Sœurs et Frères,

Nous venons de l’entendre, la barque des apôtres est confrontée aux déchainements de la mer. Ecrite par un peuple de nomades qui ont tout sauf le pied marin, la Bible voit la mer comme un monde inquiétant. Toujours prête à engloutir ceux qui s’y aventurent, elle est le symbole du mal et de la mort. Cet Evangile nous parle donc aussi de nous, quand nous sommes secoués, malmenés par la vie. Quand nous nous retrouvons désorientés, dans la nuit. Avec parfois ce sentiment inquiétant du silence de Dieu… Comme si, pour nous aussi « le Christ dormait ».

Il y a deux cents ans, au soir de cette terrible bataille de Waterloo, la campagne d’alentours était jonchée de cadavres et de blessés. La violence des hommes peut être impitoyable et la guerre le pire des fléaux.
Qu’on dû penser les habitants de ces lieux en découvrant un tel massacre ? Peut-être ont-ils eux aussi crier vers Dieu, comme les apôtres épouvantés ou comme Job au bord de la révolte.

Ces cris vers Dieu restent-ils sans réponse ? On a vu que même dans des camps d’extermination nazis, ce cri vers Dieu a permis – à certains en tout cas – de faire en sorte que l’horreur et le mal n’étouffent pas en eux leur humanité. Ce cri vers Dieu a gardé éveillés en eux l’amour et le don. Cette puissance de vie ils l’ont mis au service de leurs frères éprouvés. 

C’est ce qui s’est passé ici : les habitants de Braine n’ont pas laissé toute cette horreur recouvrir et étouffer en eux cette puissance de compassion, de solidarité qui habite le plus profond du cœur de l’homme. Ce lieu du mystère en nous, où Dieu habite et agit en nous. Durant des jours, cette église a été transformée en hôpital de fortune et toute la population s’y est mise.

La paroisse Saint Etienne qui nous accueille ce matin, a été bien inspirée de mettre en exergue à cette occasion ces paroles du Pape François : « Je vois l’Eglise comme un hôpital de campagne après la bataille » – Il ajoutait : « ce dont l’Eglise a le plus besoin aujourd’hui, c’est une capacité de guérir les blessures et de réchauffer les cœurs ».

Une façon pour le pape de nous interroger sur nos façons d’être chrétien, de faire communauté ; nos façons de rencontrer les autres, en particulier tous ceux qui sont  confrontés à leurs tempêtes intérieures, qu’elles soient personnelles, familiales, sociales ou spirituelles.

Dans la première lecture tirée du livre de Job, il y a ce passage interpellant où Dieu dit à la mer : « Tu viendras jusqu’ici ! Tu n’iras pas plus loin. Ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots ! ». Ce verset nous rappelle cette puissance de vie et de résurrection que Dieu a déposé en nous ; il nous rappelle qu’habités par l’Esprit de Dieu, nous pouvons dire nous aussi au mal : « Tu n’iras pas plus loin » !

Peut-être ne croyons-nous pas assez à ce que S. Paul vient de nous dire : « Si l’amour du Christ nous saisit…  alors, en lui nous sommes des créatures nouvelles ». Si – comme nous le faisons en cette eucharistie – nous venons nous nourrir de sa Parole et du Pain de sa Présence, si nous laissons la coupe de son sang versé par amour irriguer tout notre être, si nous laissons l’Esprit augmenter notre foi alors nous croirons peut-être davantage que nous sommes réellement ces créatures nouvelles capables d’imposer des limites au mal ; capables de contribuer à endiguer les flots qui font œuvre de mort.

Avec le Christ, recréés par lui, nous pouvons, comme dit ce texte, « disposer des verrous et des portes » – et en tout cas mettre des freins – à l’injustice, à la violence (y compris la nôtre), aux blessures que nous infligeons aux autres… 

C’est donc notre mission à tous que d’établir des « hôpitaux de campagne », des espaces de vie où on guérit les blessures, où on réchauffe les cœurs, où peuvent quelque peu s’apaiser les tempêtes de la vie. Et comment ne pas penser à toutes ces barques aux limites du naufrage qui viennent s’échouer aujourd’hui aux portes de l’Europe ?

Cela nous dépasse-t-il ? Cet Evangile nous parle de plusieurs barques qui faisaient route ensemble. Pour rester croyant face aux épreuves, pour tenir dans les tempêtes, il nous est donné en Eglise de pouvoir faire appel à des frères et des sœurs. Nous aider les uns les autres à surmonter nos peurs, à traverser l’angoisse, pour grandir dans la foi et l’espérance.

Car les tempêtes, la violence, les batailles, les nuits ne se traversent que dans la solidarité et la communion fraternelle qui nourrit en nous cette foi que, dans tout cela, nous sommes accompagnés par le Seigneur.

Et je termine avec cette question : dans ma barque à moi… qu’est-ce qui dort le plus ? Est-ce le Christ ou est-ce ma foi ?

Les apôtres disaient au Christ : « Cela ne te fais rien ? »… Et si c’était lui qui du fond de notre barque venait nous dire ce matin : «  Et toi ? Est-ce que cela ne te fait rien d’être parfois si peu présent à ma présence ? si peu croyant en cette puissance de vie et de solidarité que j’ai mise en toi ? ». Réveille-en nous, Seigneur, cette foi !   

Références bibliques : Jb 38,1.8-11 ; Ps. 106 ; 2 Co 5, 14-17 ; Mc 4, 35-41

Référence des chants :

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