Il aurait été sans doute bon aujourd’hui, pour une fois, frères et sœurs, qu’en écoutant proclamer ce passage de l’Évangile, vous ayez pu le suivre des yeux. Car vous vous seriez aperçus que le mot « Argent », qui occupe une telle place ici, était écrit avec une majuscule dans le texte évangélique.

Ce qui signifie que Jésus donne à ce mot une densité qui dépasse son emploi habituel dans le langage courant. En clair, Jésus regarde et désigne l’argent comme une puissance susceptible d’être rangée au royaume des divinités.

Par quelle alchimie mystérieuse, la réalité banale que représente ce mot du langage ordinaire peut-elle se transformer en une puissance divine ? Comment s’opère une telle mutation ?

Tout simplement, à partir du cœur humain ! Le cœur de l’homme a cette redoutable faculté d’habiller l’objet le plus familier dans notre horizon quotidien dans les vêtements somptueux d’une divinité.

Jésus indique plus précisément le mécanisme par lequel on aboutit à ce résultat. Il le désigne par un mot : « la confiance ». C’est le mot-clé de ce texte ! Car il explique comment l’argent peut devenir une divinité. La confiance est cette attitude du cœur par laquelle on « se » donne soi-même. Non pas : « on donne quelque chose ». Ce serait de la générosité ! Mais on offre sa personne comme un don, on la présente en la donnant.

C’est là une des grandeurs de l’être humain. Sa capacité à se recueillir, à se « rassembler » pour s’offrir ! Tout l’enjeu est de savoir à qui, à quoi ? Car le drame de l’homme, c’est qu’il peut s’en remettre à n’importe qui, à n’importe quoi ! Sa confiance peut même lui être subtilisée ! Car il peut être séduit ! Il peut tomber sous le charme de belles paroles, se laisser subjuguer par des images attractives, se laisser convaincre par de mirifiques promesses ! Si la publicité a un tel pouvoir sur nous, c’est parce que nous avons la faculté de faire confiance. Nous sommes naturellement ouverts, naturellement disponibles. C’est pourquoi nous sommes exposés à tous les dangers, comme des enfants qui sont attirés par tout ce qui brille !

Ainsi l’argent brille à nos yeux. Il a un immense pouvoir de séduction. Grâce à lui, on peut se procurer tellement de choses – du moins si on en a assez à sa disposition ! Mais, justement, on peut consacrer toutes ses forces à l’amasser ! Avec lui, on peut tout acheter ! Les réalités les plus sacrées peuvent devenir l’objet d’un marché !

L’argent ouvre la voie à tous les pouvoirs, et donc aux pires injustices ! C’est le sens de l’antique protestation du prophète Amos : « Vous écrasez les pauvres et vous anéantissez les humbles du pays. »

Mais ce qui est à retenir, c’est que l’argent ne peut devenir une divinité que parce que l’on « se » donne à lui ! C’est l’homme qui, par le don de soi à travers la confiance, confère une toute-puissance à la divinité devant laquelle il s’incline.

La Bible n’hésite pas alors à parler de « prostitution ». Se prostituer, oui, c’est se courber devant l’idole, c’est « se » donner soi-même et, littéralement, se vendre. Ce qui fait donc la grandeur de l’homme fait aussi son malheur ! Ce qui lui aurait permis de s’élever au-dessus de lui-même fait sa perte ! Le seul qui puisse recevoir le don de notre personne, le seul qui puisse être digne de notre confiance, c’est Dieu !

Il n’est pas hors de propos de rappeler ici cet épisode de l’Évangile où Jésus est interrogé justement sur une question d’argent. « Est-il permis de payer le tribut à César ? Faut-il payer ou ne pas payer ? » Jésus se fait apporter une pièce de monnaie et demande : « De qui est cette effigie, cette inscription ? » On lui répond : « De César ». Alors, il leur dit : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » S’il est donc opportun de rendre à César ce qui porte son effigie et son nom, nous devons nous souvenir que nous sommes nous-mêmes comme une pièce de monnaie, frappée à l’effigie de Dieu. En nous donnant à Lui par la confiance nous ne faisons que regagner la Source d’où nous sommes nés. Notre être coïncide avec sa propre vérité.

En somme, Jésus veut nous rappeler qu’en étant créés à l’image de Dieu, nous sommes comme une perle de grand prix. Nous ne pouvons pas gaspiller cette fortune en l’offrant aux divinités de notre fabrication. Le seul qui soit digne de s’établir dans cet héritage, c’est Celui qui nous a faits à sa ressemblance et le chemin qui nous y conduit, c’est la confiance !

Nous sommes tout proches de ce qui est au fondement de toute vie chrétienne : la foi dans le Christ. De cette foi nous sommes responsables ; à nous de l’entretenir comme on entretient un feu dans la cheminée. Car le Christ nous a laissé cette interrogation qui ne manque pas d’impressionner le lecteur même le plus indifférent : « Le Fils de l’homme, quand il reviendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? »

En développant notre foi dans le Christ, nous remettons toutes choses en ordre et nous reconduisons l’argent à sa juste place : un serviteur, jamais un maître, jamais un dieu !

Références bibliques :

Référence des chants :

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