Choisis ta place

Voici deux paraboles du Christ qui évoquent chacune un repas et des places à prendre pour des invités. Elles se terminent toutes deux par des phrases surprises qui changent la perspective: « Qui s’élève sera abaissé » conclut la première parabole, tandis que l’autre évoque « la résurrection des justes ».

À y regarder de plus près, il y a une autre différence : le premier repas est une noce, l’autre un festin. Je ne pense pas que ce soit anodin car le thème des noces est utilisé dans la Bible pour parler de l’Alliance entre Dieu et l’humanité. Et s’il est question à la fin de cette première parabole d’élévation et d’abaissement, c’est peut-être qu’il s’agit de Celui qui, à la Sainte Cène, repas de l’Alliance nouvelle et éternelle, s’est abaissé pour laver les pieds de ses disciples. Le même qui dit : « Si donc je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres ». Le même qui se laisse élever sur la Croix… à moins que ce soit un abaissement.

Autrement dit, cette première parabole sur le choix des places ne viserait pas d’abord l’attitude des invités (l’humilité de leur comportement) mais un discernement à faire sur une personne cachée parmi les invités. La parabole commence d’ailleurs en disant « quand tu es invité… » et elle continue en parlant de « celui qui vous a invité, toi et lui… ». Ce qui laisse penser que derrière le « dîner 1 », il y a un « dîner 2 », si l’on peut dire : un second repas où celui qui est invité et celui qui invite sont conviés. Et ce repas, dans ce contexte ne peut être que le Repas du Seigneur. Dieu nous invite tous au festin des Noces de son Fils. Ce Fils qu’il faudra chercher parce qu’on ne le trouvera pas dans les premiers rangs. Il s’est caché à la dernière place. Il s’est mis aux pieds de l’humanité pour la sauver dans l’humble obéissance de la Croix : « Lui, qui, de condition divine ne retint pas jalousement le rang (le rang, la place) qui l’égalait à Dieu, il s’est abaissé (il s’est anéanti lui-même) prenant la condition d’esclave. » Vous aurez reconnu l’incontournable hymne de saint Paul aux Philippiens. Cette parabole ne veut donc pas d’abord évoquer notre humilité, mais l’humilité du Fils Bien-Aimé. Il aurait dû être au premier rang, il a choisi la dernière place. Et son Père va l’amener au premier rang : « Ami, monte plus haut ». Le Père va glorifier le Fils dans ses Noces éternelles. Il l’assoit à sa droite dans les Cieux.

La source de l’humilité chrétienne n’est pas dans le désir de vivre humblement. Il y a un certain orgueil qui se cache dans le désir d’être humble. L’humble ignore qu’il l’est. Ce sont les autres qui disent cela de lui. Lui l’ignore car il ne vit pas sur ce registre-là. Il vit dans la communion recherchée de Jésus l’humilié, du Christ Rédempteur de l’humanité.

Je vous propose deux visages de personnes humbles.

. Charles de Foucauld qui a passé sa vie à vouloir imiter la vie du Christ à Nazareth. Sa vie cachée comme un grain de blé dans la terre d’Israël. Puis c’est lui même, Charles de Foucauld, qui quittera Nazareth où il avait tout appris de cette communion au Christ pour aller enfouir sa vie dans le Sud algérien en contemplant l’Eucharistie, Présence réelle et silencieuse du Christ au milieu des musulmans. C’est le père de Foucauld qui disait : « Jésus a tellement pris la dernière place que jamais personne ne pourra la lui ravir ».

. La figure des moines de Thibérine : si leur assassinat a scandalisé même les non-chrétiens, c’est qu’il n’y avait que de l’humilité dans leur vie au monastère. Ils n’ont cherché que la dernière place dans la communion du Fils. Leur mort a été dans la communion de leur Maître. Probablement sont-ils aujourd’hui dans cette « résurrection des justes » dont parle la deuxième parabole, celle du festin.

Cette deuxième parabole est bien en effet celle de la gratuité : Ce pharisien a invité Jésus avec ses amis qui ont, comme lui, un beau rang social. Il recherche une gratification en l’invitant, mais Jésus lui dit de changer radicalement de comportement. De choisir la gratuité, d’inviter ceux qui ne peuvent pas lui rendre pour découvrir autre chose que cette reconnaissance mondaine, cette gloire du monde. Le pauvre, s’il l’accueillait, lui donnerait un vrai coeur en enlevant l’aveuglement du sien. Le pauvre révèle une capacité d’amour qui est là, en nous, ignorée, inexploitée. Je crois qu’on devient chrétien quand on expérimente cette puissance d’aimer plus grande que nous et cachée en nous. La Bible l’appelle l’agapè – la charité – l’humilité de la présence de Dieu dans un coeur humain. L’humilité, c’est laisser le Christ aimer en nous et non seulement vouloir être humble.

Beaucoup de religieuses en France, en Irak, en Terre Sainte, partout, en témoignent. Elles vivent dans des communautés ou des hôpitaux, humblement, gratuitement dans une vie « eucharistique » cachée, donnée, abandonnée. Leur vie ne fait pas de bruit mais elle fait du bien parce qu’elle est une vie d’amour, gratuite, dans la communion au Christ souffrant et Sauveur. Car le Christ déploie sa présence en chacun, mais il ne la révèle qu’au pauvre, qu‘à la personne humble.

Ainsi en est-il dans l’Eucharistie. Le Christ se rend présent : bienheureux les humbles de coeur, ils le reconnaîtront.

Références bibliques :

Référence des chants :

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