Par Julia Itel – Publié le 25/05/2023

Saint Augustin (354-430), aussi connu sous le nom d’Augustin d’Hippone, est l’un des théologiens les plus influents de l’Église occidentale. 

Augustin l’Africain 

Jeunesse

Augustin naît le 13 novembre 354 dans une petite ville de Numidie, à Thagaste (dans l’actuel Souk-Ahras, en Algérie). Sa famille appartient à ce que l’on pourrait appeler aujourd'hui la « classe moyenne ». Son père, en effet, est un petit fonctionnaire. Bien que celui-ci soit païen, la mère d’Augustin, Monique, est, quant à elle, chrétienne et elle élève ses enfants comme tel. Bébé, Augustin est marqué du signe de la croix et reçoit le sel sur la langue. Il est ainsi inscrit parmi les catéchumènes mais il n’est baptisé que bien plus tard, lors de sa rencontre avec Ambroise de Milan. Cela n’est pas surprenant pour l’époque ; Tertullien conseille dès le IIe siècle d’attendre l’âge de maturité pour recevoir le sacrement d’initiation chrétienne

Les parents d’Augustin font tout ce qui est de leur ressort pour qu’il reçoive une bonne éducation, lui permettant d’accéder à une position sociale plus élevée. C'est un bon élève et un lecteur enthousiaste des philosophes classiques, latins et grecs, qu’il lit en latin (ce n’est pas un helléniste). Mais Augustin commet, adolescent, des petits larcins : par exemple, il vole de la nourriture à plusieurs occasions. 


Carthage et la découverte du manichéisme

Vers l’âge de 17 ans, Augustin part étudier à Carthage la littérature, dans le but de devenir rhéteur. Carthage est alors la grande métropole africaine, située dans l’actuelle Tunisie. Là, il découvre et s’abandonne aux plaisirs de la chair. Il rencontre une concubine qui lui donne un fils, Adéodat, et avec qui il reste pendant 15 ans. Plus tard, dans les Confessions, Augustin revient sur ses expériences de jeunesse qu’il avoue avoir été commises dans le péché. La culpabilité qui l’assaille alors et qu’il expose dans son récit sert à reconnaître la puissance de la grâce de Dieu qui l’a délivré de ses vices. 

Mais Augustin ne cherche pas seulement à assouvir son penchant pour les plaisirs sensuels. Il est également un intellectuel en quête de vérité et il cherche dans plusieurs voies philosophiques et spirituelles des réponses à son besoin de compréhension du monde. La lecture de l’Hortensius de Cicéron lui donne le goût de découvrir la Bible. Mais Augustin est peu séduit par la simplicité du style littéraire des versions latines alors en circulation (la Vulgate de Jérôme n’a pas encore été assemblée). C'est dans le manichéisme, une secte persane fondée sur une pensée matérialiste et sur un mode d’explication rationnel du monde, qu’il trouve réponse à ses questions, au moins pendant un certain temps. 

À la fin de ses études, Augustin enseigne la rhétorique pendant neuf ans. Puis, il rejoint Rome où il se bâtit une certaine réputation.


La conversion d’Augustin au christianisme

Rencontre avec Ambroise de Milan

À Rome, Augustin est repéré par Symmaque, le préfet de la cité impériale, et devient rhéteur pour l’aristocratie milanaise, puis orateur. Mais rapidement, le jeune homme se lasse de cette vie frivole et il pense à changer de carrière pour un métier qui lui permettrait de se consacrer davantage à la vie intellectuelle. Il pense alors à entrer dans l’administration romaine, ce qui lui laisserait du temps pour l’étude. Mais ses origines sociales ne lui permettent pas d’accéder à ces fonctions. Sa mère cherche alors pour lui une épouse romaine et renvoie sa concubine. Mais le mariage ne se fait pas.

Il quitte Rome pour Milan, accompagné de sa mère, de sa concubine et de son fils, ainsi que de quelques compagnons qui le rejoignent. Là, il rencontre Ambroise, alors évêque de Milan, dont la prédication fondée sur une interprétation allégorique de l’Évangile lui révèle la profondeur du message chrétien. En parallèle, le christianisme milanais étant imprégné de la pensée néoplatonicienne, Augustin découvre les ouvrages de Plotin et de Porphyre. Il se sent de plus en plus attiré par l’ascèse mais il ne sait se résoudre à mener une vie de continence. 

Comprendre le choix du baptême d’Augustin

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La révélation au jardin de Milan

Tiraillé, Augustin prie et demande à Dieu d’obtenir le don de chasteté. En août 386, alors qu’il se situe dans le jardin de sa maison milanaise, il entend une voix d’enfant chanter : « Tolle, lege ! » (« Prends, et lis ! »). Surpris, Augustin l’interprète comme un message de Dieu. Il prend le livre de Paul, l’ouvre au hasard et tombe sur ce passage : « Comme il sied en plein jour, conduisons-nous avec dignité : point de ripailles ni d’orgies, pas de luxure ni de débauche, pas de querelles ni de jalousie. Mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ et ne vous souciez pas de la chair pour en satisfaire les convoitises. » (Romain 13, 13-14). 

Pour Augustin, c'est une révélation. Il se retire avec sa mère, son fils et ses amis, puis Augustin se fait baptiser le 23 avril 387, lors de la vigile pascale, par saint Ambroise. 


Le départ pour l’Afrique

Augustin n’a alors plus de raisons de rester en Italie. Il décide de rentrer à Thagaste afin de poursuivre la vie monastique. Mais avant d’embarquer pour l’Afrique, sa mère meurt à Ostie en 387. Son fils, quant à lui, meurt deux ans plus tard, en 389.


Augustin, évêque d’Hippone

Un jour, alors qu’Augustin est de passage à Hippone (l’une des principales cités de l’Afrique romaine), les fidèles le reconnaissent et le pressent de recevoir les ordres. L’évêque Valère l’ordonne prêtre puis, en 395, il est consacré évêque. À la mort de Valère, un an plus tard, Augustin est nommé évêque d’Hippone et, peu à peu, son influence va rayonner dans tout l’Occident chrétien.

Découvrez « Augustin, l’école du Christ »

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Le prédicateur

Augustin se consacre avant tout à la formation religieuse de la communauté d’Hippone et à l’activité pastorale. Il s’appuie alors sur sa formation antérieure d’enseignant et d’orateur. Il est l’auteur prolifique de plus de 500 sermons, qui reposent essentiellement sur une prédication des psaumes et de l’Évangile de saint Jean. Il veille également à bien préparer les catéchumènes au baptême et enseigne lui-même la catéchèse qu’il consigne dans son ouvrage Catéchèse des débutants.


Consolider l’unité de l’Église d’Afrique

L’évêque d’Hippone est également connu pour avoir activement lutté contre les trois courants hérétiques, le manichéisme, le donatisme et le pélagianisme, en recourant parfois à une stratégie d’apaisement. Ancien hérétique lui-même, il réussit à convertir certains de leurs adhérents à l’orthodoxie par la charité et la prière. Augustin a aussi participé à plusieurs conciles ayant œuvré à fixer le canon du Nouveau Testament, au début du Ve siècle. 


L’œuvre littéraire d’Augustin

Augustin a produit une œuvre littéraire riche et foisonnante (plus de 100 titres) ayant eu un rayonnement inégalable sur plusieurs siècles. Elle est constituée de trois ouvrages majeurs : les Confessions, le Traité sur la Trinité et La Cité de Dieu


Les Confessions (397-401)

Dans ce livre autobiographique, le premier de son genre, Augustin explore son parcours de conversion spirituelle. Écrit dans la trentaine, alors qu’il vient juste d’être ordonné prêtre puis évêque, Augustin fait le récit de sa jeunesse jusqu’à l’intervention de la grâce divine qui a transformé sa vie. Il n’est donc pas étonnant que le jeune homme présente sa vie d’avant la conversion comme une existence de débauche où le péché et la culpabilité sont accentués. Cela lui permet de révéler la beauté de la grâce

Le texte prend, en effet, la forme d’une louange : « Tu m’as touché et ta paix m’a brûlé ». Il raconte ses luttes avec les tentations, ses combats intérieurs et son abandon final à la grâce de Dieu qui le sauve du manichéisme. Dans la quête de vérité, la foi est plus forte que la raison et la logique. S’en remettre à Dieu, c'est permettre à l’âme de guérir. 

Les Confessions insistent sur l’importance de l’introspection comme modèle de croissance. C'est la raison pour laquelle Augustin se fait parfois appeler « le père de la psychologie ».

Qu’est-ce que la confession ? Réponse ici ▼

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Traité sur la Trinité (388-419)

Le Traité sur la Trinité, composé de 15 livres, prolonge la réflexion entamée dans les Confessions. Dans cet ouvrage théologique, Augustin explore le mystère de la Sainte Trinité. Les sept premiers livres exposent le dogme trinitaire. Augustin met ainsi en avant l’unité au sein de la Trinité : le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont bien des personnes distinctes mais elles partagent la même essence divine.

Les livres suivants parlent de la recherche de Dieu. Ici, seules la foi et la contemplation permettent d’approcher ce mystère, ce que n’autorisent pas la logique et la raison. En effet, selon Augustin, la compréhension humaine est limitée et ne fournit que des analogies imparfaites sur la nature du divin. 


La Cité de Dieu (413-426)

La Cité de Dieu est une œuvre monumentale (22 livres) qui n’a cessé de provoquer la réflexion des siècles durant. Elle traite principalement de la chute de Rome, prise par les Wisigoths en 410, et réfute la croyance selon laquelle c'est à cause du christianisme que l’Empire d’Occident s’est effondré. Selon Augustin, la raison revient plutôt à la décadence morale de la cité terrestre, fondée sur les désirs humains. Il oppose à la cité terrestre, dont la nature des empires et des activités est éphémère, la cité céleste, qui représente le royaume de Dieu où séjournent éternellement les saints. 

D’après Augustin, il existe une interdépendance entre les deux cités mais celle céleste finit par l’emporter sur la première car tel est le dessein de Dieu. Le théologien dresse ici une théologie de l’histoire, fondée sur une vision eschatologique, qui va imprégner l’Occident. Dieu a un plan pour l’être humain, malgré le chaos que celui-ci peut vivre sur Terre : c'est par la grâce que les humains trouvent le salut et peuvent participer à la cité céleste. Le vrai bonheur ne se trouve donc pas dans l’assouvissement des désirs terrestres mais dans la recherche de Dieu. 

Augustin définit également les bases de séparation entre les pouvoirs spirituel et temporel, ce qui va exercer une grande influence sur Grégoire le Grand et sur la papauté de manière générale.


Saint Augustin, Docteur de l’Église

Augustin meurt en août 430 à Hippone, alors assiégée par les Barbares. Il est canonisé au XIIIe siècle par le pape Boniface VIII et il est fêté, dans l’Église catholique, le 28 août.

Saint Augustin est souvent représenté, dans l’art, en évêque et à l’étude, ce qui souligne sa stature d’intellectuel et sa recherche constante de vérité. Ses attributs sont la crosse et le cœur enflammé, symbolisant son âme embrasée par l’amour divin.