Alors que nous entrons dans l’Avent, frère Matthew, prieur de la communauté de Taizé, nous invite à accueillir ce temps d’attente comme une marche intérieure, nourrie de silence, de prière et de solidarité.

Au seuil d’une nouvelle année liturgique, nous voici aussi à la fin de cette année jubilaire où nous étions invités à devenir des pèlerins de l’espérance. Que nous restera-t-il du beau parcours vécu par tant de personnes ? Ce pèlerinage n’est-il pas appelé à continuer dans nos vies ?

À la fin d'une semaine à Taizé, lorsqu'on leur demande ce qui a été le plus important pour eux, beaucoup de jeunes évoquent l'expérience du silence. Dans un monde hyperconnecté et en perpétuel mouvement, cela peut paraître surprenant. Lorsque nous prenons le temps de nous déconnecter d'un flux incessant d'informations, n'est-ce pas dans le silence que nous nous rencontrons véritablement nous-mêmes et que nous entrevoyons une réalité plus grande ?

Dans la belle création de Dieu, le bruit du vent, le murmure du ruisseau et le chant des oiseaux ne nous enveloppent-ils pas et ne nous conduisent-ils pas vers ce silence intérieur où la communion avec tout ce qui existe devient tangible ? Une nuit étoilée nous remplit d'émerveillement.

Jésus est venu au monde dans le silence de la nuit : « Le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous » (Jean 1,14). Celui qui était avec Dieu et qui était Dieu avant le commencement de toutes choses est venu parmi nous par une naissance humble et modeste, là où seulement les petits l’attendaient, afin de devenir la lumière qui brille dans les ténèbres.

Une espérance naît dans la nuit.

L’Avent nous invite à veiller. Où est-ce que cette lumière brille ? Quels sont les motifs d’action de grâce à discerner là où je ne l’attendais pas ? Car l’Avent ne nie pas la nuit ; il nous apprend à espérer au cœur même de celle-ci.

Ces derniers mois, j'ai passé du temps avec les frères de notre communauté de Taizé qui vivent dans de petites fraternités au Brésil et à Cuba. Le Brésil reste marqué par l'héritage de l'esclavage et par de grandes inégalités. Pourtant, il y a des gens qui refusent de baisser les bras et se battent pour être aux côtés des plus pauvres. Je pense en particulier à une communauté de la ville de Salvador, où des sans-abri dorment dans l'église et s'entraident. À Cuba, j'ai vu un peuple courageux confronté à d'énormes difficultés. J'ai rencontré une grand-mère qui a donné toutes ses économies pour que son petit-fils ait ce dont il avait besoin pour la rentrée scolaire. Sa mère, comme beaucoup d'autres Cubains, avait quitté le pays à la recherche d'un avenir meilleur.

Et plus proches de nous, dans de nombreux endroits, les gens se demandent comment ils peuvent utiliser la liberté qui leur est donnée pour exprimer leur solidarité avec celles et ceux qui souffrent. Ils cherchent des moyens de concrétiser leur désir d'aimer et de prendre soin des autres, donnant ainsi un sens à leur vie par l’entraide et le service.

Nous vivons dans une société qui est de plus en plus polarisée et où le véritable débat risque d’être remplacé par un populisme qui ne fait qu'attiser les flammes de la peur et de la haine. Mais l’espérance qui naît dans le silence, que l’on accueille par la confiance de la foi, est nourrie par la lumière qui brille dans les ténèbres à travers des gestes de bonté tout simples. Elle devient source d’un avenir de paix et d’entente.

Pour nourrir l’espérance, il faut faire face à la réalité telle qu’elle est, et la voir à la lumière des promesses de Dieu, accomplies dans la naissance de Jésus. Cette lumière, les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. La lumière de la naissance de Jésus préfigure la lumière de sa résurrection. Les ténèbres de la mort n’ont pas pu le retenir – l’amour de Dieu est plus fort.

Mes rencontres avec des jeunes issus de différentes zones de guerre ont été si importantes cette dernière année. Leur confiance en la résurrection de Jésus n'était pas une simple théorie, mais une force vivifiante qui leur permet de rester fermes et de ne pas tomber dans les pièges de l'amertume et de la vengeance. Cette espérance ouvre la voie à une réconciliation future. 

L'hostilité entre les peuples, les nations et les individus est détruite par le Christ qui aime jusqu'au bout, par le don de sa vie sur la croix qui nous réconcilie avec Dieu, afin que nous puissions accueillir sa paix, cette paix que le monde ne peut donner, et qui est bien plus que l'absence de conflit. Elle inclut le sentiment de restauration et de plénitude. C'est le « shalom » de Dieu qui nous est confié afin que nous en prenions soin et le développions.

Pouvons-nous cheminer ensemble dans nos églises, communautés, associations et familles et nous accompagner mutuellement, semant l'espérance pas à pas ? C’est ce que nous voudrions vivre lors de notre rencontre européenne de jeunes qui aura lieu du 28 décembre au 1er janvier à Paris et en Île-de-France. Même à travers les gestes les plus simples d’hospitalité et d’attention, chercherons-nous à devenir des signes de réconciliation, des pèlerins de paix, chacune et chacun à notre manière, là où Dieu nous a placés ?

 

Frère Matthew