Par Julia Itel – Publié le 13/02/2025
Dietrich Bonhoeffer (1906-1945) est un théologien et pasteur protestant allemand connu pour son engagement contre le régime nazi. Exécuté en 1945 pour sa participation à un complot visant à assassiner Adolf Hitler, il laisse derrière lui un héritage profond de pensées sur l'éthique chrétienne et la responsabilité sociale.
Dietrich Bonhoeffer, le théologien
Dietrich Bonhoeffer naît le 4 février 1906 à Breslau (devenu Wroclaw en Pologne) au sein d’une famille de la haute bourgeoise allemande de sept enfants. Les Bonhoeffer sont de confession protestante mais ne sont pas très pratiquants. C'est la raison pour laquelle le choix du jeune Dietrich de se consacrer à la théologie étonne quelque peu les membres de sa famille. Brillant, il obtient son doctorat à l’âge de 21 ans.
En 1931, il obtient ensuite une bourse d’étude pour passer une année à l’Union Theological Seminary de New York. Là, il apprend les bases du travail pastoral et s’intéresse à l’Évangile social (Social Gospel), un mouvement chrétien de justice sociale. Avec l'oecuménisme, ce dernier influence profondément sa compréhension de la théologie comme outil de changement social. Ce séjour aux États-Unis expose également Bonhoeffer à la diversité culturelle et au racisme institutionnalisé, particulièrement à travers ses visites dans les églises afro-américaines d’Harlem, où il est ému par la profondeur de la foi et la résilience des communautés face à l'oppression. Il est alors convaincu que la foi doit avoir une répercussion concrète dans le monde.
Résister au nazisme
De retour à Berlin, où il est nommé pasteur, Bonhoeffer est confronté à la montée du nazisme. Il commence alors à exprimer publiquement ses inquiétudes et son opposition à la politique d’Hitler, notamment vis-à-vis de sa hiérarchie qu’il trouve complaisante à l’égard du régime. Dans ses prêches, par exemple, il appelle pacifiquement les croyants à la résistance. Ses prises de position attirent l’attention des nazis qui lui interdisent d’enseigner. Son engagement ne s’arrête toutefois pas là.
Il rejoint les rangs de l’Église « confessante » nouvellement créée et qui s’oppose à l'Église allemande contrôlée par le régime nazi. De 1935 à 1937, il prend la direction du séminaire de Finkenwalde, qui forme les futurs pasteurs et les fédère dans une communauté qui partage une vision de l’Église comme force de résistance contre les idéologies oppressives.
À la même période, il rédige Le prix de la grâce. Dans cet ouvrage, le pasteur oppose à la grâce « bon marché » la poursuite d’une grâce parfois coûteuse mais authentique dans la foi. S’inspirant du Sermon sur la montagne, le théologien indique que suivre le Christ, et donc incarner l’amour du prochain, signifie adopter une vie qui peut exiger le sacrifice ultime. La grâce « coûteuse », contrairement à celle « bon marché », est la seule qui transforme celui qui la reçoit. Il écrit ainsi : « La grâce à bon marché, l’ennemi mortel de notre Église, c’est la grâce sans la croix. La grâce qui coûte, c’est l’Évangile qu’il faut toujours chercher à nouveau. Elle coûte parce qu’elle est, pour l’homme, au prix de sa vie; elle est grâce parce que, alors seulement, elle fait à l’homme cadeau de la vie. »
Épisode 12 - Le sermon sur la montagne
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Après la dissolution de l’organisation par la Gestapo, qui lui interdit d’enseigner et de prêcher, et l’arrestation de nombreux pasteurs, Bonhoeffer part quelques temps en Angleterre puis à New York où on lui offre un poste d’enseignant. Malgré cela, il revient en 1940 et noue des contacts étroits avec le cercle de résistance de l’Abwehr, dirigé par l’amiral Wilhelm Canaris. Profitant d’un voyage en Suède, il rencontre l’évêque de Chichester à qui il transmet des preuves de l’extermination des Juifs par les nazis et implore l’aide du gouvernement britannique pour éliminer Hitler.
Exécution et héritage de Dietrich Bonhoeffer
Peu de temps après ses fiançailles avec Maria von Wedemeyer, Bonhoeffer est arrêté en avril 1943, accusé de conspiration. Durant ses deux années en prison à Berlin, il continue de rédiger des lettres et des méditations qui seront publiées de manière posthume. Ces écrits, compilés dans l’ouvrage Résistance et soumission, révèlent un homme profondément spirituel, luttant pour maintenir sa foi dans des circonstances extrêmes. Il évoque également l’évolution de la religion chrétienne dans la société contemporaine, et exprime l’hypothèse éclairée que les générations suivantes parleront de Dieu sans religion.
Après l’attentat échoué contre Hitler le 20 juillet 1944, fomenté par les réseaux de l’Abwehr, Bonhoeffer est transféré au camp de concentration de Buchenwald. Jugé coupable, il est exécuté par pendaison sur ordre direct de Hitler, peu de temps avant la libération du camp par les Alliés, le 9 avril 1945.
L'héritage de Bonhoeffer est immense, notamment dans les milieux théologiques protestants, mais aussi dans la réflexion éthique globale sur le rôle du chrétien en temps de crise. Selon lui, pour vivre authentiquement sa foi, le chrétien doit agir contre l’injustice : « L'action ne dérive pas de la pensée mais d'une bonne volonté à assumer ses responsabilités ». Considéré comme un martyr par de nombreuses Églises, son exemple continue d'inspirer les débats sur la résistance civile, la fraternité au-delà de l’Église et l'obéissance à l'autorité en situation de tyrannie.