Une fois par mois, Christine anime le groupe biblique du bâtiment D2 de la prison de Fleury-Mérogis, afin de créer du collectif et du lien. Elle fait commenter aux détenus filmés anonymement le verset de l’Évangile de Marc : "Jésus et ses disciples entrèrent à Capharnaüm. Aussitôt, le jour du sabbat, Jésus se rendit à la synagogue, et là, il enseignait."
Une série à découvrir sur notre plateforme JDS.tv.
Paroles de détenus
Pour voir cette vidéo pour devez activer Javascript et éventuellement utiliser un navigateur web qui supporte la balise video HTML5
Entretien avec la réalisatrice
Partage biblique, foi sans filtre et tournage en établissement pénitentiaire sont les ressorts d’une mini-série rare et émouvante, signée Élodie Buzuel.
Comment avez-vous recueilli ces rencontres en détention ?
La série puise dans les trésors d’un documentaire, La Visite, consacré à la mission des aumôniers de prison. En 2024, j’ai tourné pendant cinq mois à Fleury-Mérogis. Le dernier jour du tournage, un samedi, j’ai assisté à un groupe biblique. Nous étions seuls avec quinze détenus, sans personnel de sécurité ni surveillance, dans une aile assez isolée du quartier des hommes… Sur le point de quitter le plus grand centre pénitentiaire d’Europe, je ne me doutais absolument pas que je tomberais sur un pur cadeau.
À quoi avez-vous assisté précisément ?
Loin de la pénombre des cellules, nous étions dans une salle baignée de lumière. Nous participions à un groupe biblique animé par Christine, laïque assomptionniste devenue aumônier. Avec elle, une quinzaine d’hommes âgés de moins de vingt-cinq ans lisaient à voix haute puis réagissaient aux textes de la liturgie dominicale. En prison, j’ai observé beaucoup de violence, de cris, de noirceur et de détresse. Pendant deux heures trente, je me suis retrouvée à filmer l’inverse : un partage au propre et au figuré autour de la Parole. J’ai vu de la générosité, de la douceur et beaucoup de respect. À ma connaissance, de tels moments d’incarcération n’ont encore jamais été captés ni diffusés.
Techniquement, dans quelles conditions filmiez-vous ?
Nous étions à deux caméras. Notre unique contrainte était de préserver l’anonymat. J’opérais à la caméra générale face à Christine. Je filmais ses déplacements, son écoute, sa parole. Mon chef opérateur image travaillait de manière plus serrée sur les protagonistes qui prenaient la parole. Nous avons essayé de les incarner au maximum par l’attitude, la voix, la nuque, le vêtement pour leur donner une présence et signifier qu’ils vivaient pleinement le groupe biblique. Cela s’est fait comme un ballet. J’étais fixe. Il était mobile. Je travaillais les plans larges. Il trouvait des angles pour respecter l’anonymat. Je tenais vraiment à montrer ce collectif, cette assemblée. C’est si rare en prison.
Comment cette ample captation est-elle devenue une série brève ?
Pour mon documentaire La Visite, j'avais effectué une captation du groupe biblique mais qui n'avait pas été retenue. J’ai reparlé de ce bijou au programmateur et au producteur. L’intérêt est né. « Vas-y ! Propose-nous quelque chose dans un format approprié pour internet. » L’idée de mettre en regard la Parole du Christ et la parole des détenus m’a plu. J’aime ce côté un peu brut. On accède à une parole sans filtre.
PROPOS RECUEILLIS PAR MAGALI MICHEL