Diffusé le jour de Noël, ce film propose une expérience sensorielle et de contemplation au cœur de l’hiver : la création d’une crèche unique, entre la Sicile et la Suisse. Entretien avec Jean-Yves Fischbach, le réalisateur.
Pourquoi cette crèche est-elle unique en son genre ?
Elle fait appel aux 5 sens : voir, écouter, toucher, entendre, goûter. Orientée vers le mystère de Noël, Dieu s’est fait homme, c’est l’incarnation. Car le mystère de Noël se vit chaque jour, le Christ renait quotidiennement. La crèche est mise en place le 15 novembre, jour de la saint Martin. Elle ne s’arrête pas là. Elle est en evolution permanente. Le 8 décembre, Joseph et Marie apparaissent. Le 24, l’enfant Jésus naît, humble et silencieux. Le 6 janvier, les Rois mages arrivent à leur tour. Et chaque jour, un détail nouveau, un personnage ajouté. Cette année, c’est en Suisse, l’année dernière à Meurtaux.
Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de réaliser ce documentaire ?
Je suis réalisateur indépendant depuis 20 ans sur des films chrétiens. Après une conversion fulgurante à 30 ans, j’ai suivi des études de théologie. C’est aussi en rencontrant les deux concepteurs de cette crèche, Crea Calame, une conteuse habitée d’une foi ardente. Elle souhaite rééellemement redonner à Noël sa véritable lumière en combattant le consumérisme par la beauté du récit évangélique ; quant à Maurice Bianchi, c’est un bâtisseur passionné, dont la patience et l’enthousiasme racontent, à travers chaque scène, l’amour du détail et de la transmission. Leur vision commune est de rendre la Nativité vivante, accessible, incarnée. C’est à Assise que les concepteurs ont décidé de faire cette crèche, impulsé par saint Françoise d’Assise. Précisons que Crea est tertiaire franciscaine. Ce documentaire sera un film d’immersion sensorielle. Les interviews seront prises dans l’action, dans chacun de leurs gestes, comme des confidences murmurées. Le spectateur sentira que Crea et Maurice transmettent autant par leurs mains que par leurs paroles : avec leurs anecdotes, leurs éclats de rire, leurs silences émus, leur immense joie de donner, de raconter, de faire vivre une histoire à travers la matière.
Quelle expérience retire le spectateur ?
Le spectateur est littéralement subjugué par la grandeur de la crèche, 350 m2 pour 1 500 santons ! C’est une complète reconstitution des détails à l’échelle de 1/9. Ils peuvent trouver de petites assiettes, des petites cuillères ou plus encore un grand port de pêche. Et surtout, ils peuvent non seulement toucher mais aussi déguster des spécialités de chaque artisan ! Les santons sont en terre cuite et reproduisent les anciens métiers comme des lavandières qui étendent le linge. Les personnages humains de la vie courante ou biblique y sont mêlés. Par exemple, cette année met en lumière les personnes handicapées, avec des détails saisissants sur les fauteuils roulants et les béquilles. Aussi, les spectateurs sont attirés par la dimension spirituelle. Crea essaie de faire vivre au maximum de façon très réaliste et très incarnée : Marie enceinte, les bergers rejetés, une scène du marché, le puit symbole de l’eau vive, le moulin à vent qui souffle sur Marie et Joseph, une scène pastorale.... Tout nous rapproche des scènes bibliques.
Quelle est votre approche de réalisateur ?
Mon documentaire est filmé depuis l’atelier de l’artisan jusqu’à l’église où elle est exposée. En tout, 10 jours de tournage entre la Sicile et la Suisse. J’ai adopté une approche immersive et incarnée. Je ne souhaite pas illustrer un discours, mais le faire ressentir. À travers un dispositif visuel et sonore précis, nous entrerons au cœur du processus de création d’une crèche vivante, en donnant aux 5 sens un rôle de narration. L’objectif n’est pas seulement de documenter la construction, mais de faire vivre au spectateur une expérience intérieure, à l’image de ce que traverse le visiteur de la crèche. J’ai chapitré le film avec 5 paroles bibliques, 5 sens : chaque regard posé devient contemplation. Une pensée, une traversée des 5 sens et un voyage intérieur. La crèche raconte Noël non comme un conte figé, mais un récit vivant qui traverse les siècles et les cultures. Ce documentaire capte les gestes des mains qui façonnent, les voix qui racontent, les regards qui s’émerveillent. De façon implicite, la spiritualité franciscaine irrigue chaque étape : un appel à la simplicité, à la beauté, à l’incarnation du sacré dans l’ordinaire. Dans chaque personnage, il y a un fragment d’Évangile... et un fragment de nous-mêmes. En suivant les bâtisseurs de cette crèche, j’ai souhaité que ce film témoigne d’une quête : celle d’un Noël réenchanté, où la lumière de la Nativité touche le cœur de tous.
Propos recueillis par Mathilde Huyghues Despointes