La joie est dans le pré 

 

À Villeneuve-lès-Avignon, au pied de la colline, de la tour Philippe-le-Bel au bout opposé du Puy Andaon, il y a une plaine qui s’étend, bordée par le Rhône, à la fois cultivable et inondable, et donc non constructible. La Plaine de l’Abbaye. Protégée. Peu habitée, aussi, avec seulement deux cultivateurs habitant sur place. Et désormais, Clara Hédouin et sa troupe en ont fait, dans leur magnifique spectacle amoureux de la terre, une plaine “jouable”, mise en mots, en voix, en gestes, et « déambulée » …! 

C’est d’ailleurs cette plaine qui est en quelque sorte la première à nous parler, par la voix enregistrée de céréaliers et maraîchers des alentours, qui nous livrent leur vision du travail de la terre et de l’assiette qu’ils remplissent. Leurs mots ne nous quitteront pas jusqu’à la fin du spectacle, en face d’un champ de tournesols au jour finissant, entrelacés avec ceux de Jean Giono dans ses deux œuvres Prélude de Pan et Que ma joie demeure

Trois comédiens nous entraînent en cinq tableaux dans un fabuleux voyage à travers le temps et l’espace : le temps de la paysannerie du 20e siècle, le temps des saisons, le temps changeant du ciel… et l’espace des champs, des mots, du cœur dilaté d’une joie inexplicable en lisière d’un pré et en dépit des abominations et absurdités de la société des hommes. 

Inoubliable tableau d’une parade spontanée et endiablée, de tout un village bousculé par la pureté d’un étranger messianique qui défend la vie d’une colombe (avec laquelle nous partageons les mêmes dons – air, eau, nourriture), répondant à la parade des spectateurs déambulant. Magnifique tableau du face-à-face entre le partisan d’une utopie agricole où toute la terre serait nivelée en sillons égaux et productifs, et le vagabond de la joie gratuite, qui ne peut rendre compte du mal, mais qui reçoit le monde tel qu’il est.

- Que la joie demeure ! - C’est cela que je voulais dire ! lance une comédienne, dont la tête sort au milieu d’un champ de tournesols, devant nous, spectateurs assis à hauteur d’herbes sauvages, ravis de cette déambulation théâtrale. Clara Hédouin, ici, honore et la terre, et ceux qui cherchent à en être les gardiens, c'est-à-dire à en prendre soin. En cette année où se fêtent aussi les 10 ans de l’encyclique du pape François Laudato Si', la clameur de la terre continue de nous convoquer. Pour qu’elle puisse continuer d’être habitable.

Prélude de Pan, de Clara Hédouin, Festival Villeneuve en Scène, les 15, 16, 17, 18, 19 et 20 juillet à 18h30 à Villeneuve-lès-Avignon, Plaine de l'Abbaye.

Frères Charles, Rémy, Thierry et Thomas

 

Crédit Photo : Prélude de Pan de Clara Hédouin, Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon