Pour la seconde année consécutive, le Jour du Seigneur s’est arrimé au Festival d’Avignon, en intégrant la riche programmation des « territoires cinématographiques », au cinéma Utopia. En écho à la création « Antigone in the Amazone » de Milo Rau, la projection d’un documentaire retraçant l’engagement du frère Henri Burin des Roziers (1930-2017), avocat des sans-terre, suivie d’une table ronde animée par David Milliat, à donner une après-midi de débat et de réflexion montrant la fécondité de ce dominicain bien au delà de là sphère religieuse. 

Mais puisqu’ Avignon est d’abord le théâtre, commençons par « Antigone in the Amazone ». Dans le sillage du « réalisme global » de son « Oreste à Mossoul » en 2019, Milo Rau, réalisateur du film « Un nouvel Évangile » en 2022, y parfait son travail documentaire et scénique, tant par sa dramaturgie que par son esthétique. Il s’agit sans doute du spectacle le plus politique de cette 77ieme édition. Croisant la scène d’Avignon et la vidéo depuis la région de Parà au nord du Brésil, reliant la tragédie de Sophocle au Mouvement des Sans-Terre (MST), la création de Milo Rau joue l’effet d’une bombe. Le temps et l’espace explosent pour être mieux réunis. Donner une sépulture à ses morts et défendre leur mémoire, lutter pour une idée de la justice et celle de la vérité, autant d’enjeux anthropologiques qui remuent les consciences et soulèvent l’âme dans ses renoncements comme ses aspirations. Pétrie de ces  antiques idéaux, la création nous fait traverser les mers et les époques pour assister tétanisés à la reconstitution de la répression sanglante d’une manifestation en 1996 des activistes brésiliens.  Le chœur de la tragédie, composé de survivants du massacre, apporte un arrière-fond documentaire saisissant réunissant les deux histoires, celle de l’antique Phebes et celle contemporaine de Parà. La mise en abyme contribue aussi à ancrer le propos dans la lutte, faite de chair et de sang, de cris et de pleurs, de colère et de rage, contre un système économique et ses lois serviles et asservissantes qui méprisent  le faible jusqu’à l’écraser. 

C’est de ce combat-là dont il fut question dans la table ronde qui suivit le documentaire « la loi de Dieu, la loi des hommes » sur le frère Henri Burin des Roziers, dominicain et avocat, défenseur des militants du droit à la terre et des ouvriers agricoles dans un état où règnent la violence et l'impunité.Réunissant son ami avocat, Régis Waquet, sa biographe, Sabine Rousseau, et deux militantes MST qui ont témoigné de la mémoire vive d’Henri dans l’engagement des activistes, la rencontre fut à l’image de celui qu’elle voulait honorer: un grand respect de l’être humain, un esprit évangélique dans les actes plus que la parole, une amitié inconditionnelle qui donne forme à l’espérance.   

Vous pouvez retrouver en dessous de cet article le documentaire réalisé par Thierry Derouet ainsi que la table-ronde avec :
• Maria Raimunda Cesar : Leader du Mouvement des sans-terre de Para
• Kananda Rocha Xavier : Chef de choeur des militants du Mouvement des sans-terre
• Régis Waquet : Avocat, ami et collaborateur d'Henri Burin des Roziers
• Sabine Rousseau : Autrice, historienne, biographe d’Henri B. des Roziers (éditions du cerf, octobre 2023)

 

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P. Burin des Roziers : La loi de Dieu, la loi des hommes

 

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