La révérence d'Emeric Cheseaux dans le Festival OFF
…ou l'art de dire « adieu » 

Savez-vous qu'en Suisse, et notamment en Valais, on dit « adieu » non seulement quand on part, mais aussi quand on arrive ? En effet en Suisse, et tout particulièrement en Valais, le mot « adieu » est un « bonjour » tout autant qu'un « au revoir », un mot d'accueil et un mot de départ. Selon nous, La révérence d’Émeric Cheseaux nous invite à méditer sur la profondeur paradoxale de cet « adieu » tout helvétique. 
 
Dans ce seul en scène, qui est aussi une autofiction, Émeric Cheseaux nous présente une fête de départ, où se succèdent tour à tour des figures familières : le prêtre un peu coincé, la mère « à la bonne franquette », ou encore la sœur qui n'a pas honte d'allaiter en public. L'interprétation de ces différents personnages, à la fois lucide et tendre, est tout à fait saisissante ! La technique d’Émeric Cheseaux, ancien élève de la Manufacture à Lausanne, est tout bonnement épatante. Son talent lui permet d’interpréter un « seul en scène choral » dans lequel, de son entourage, tous apparaissent, dans une logorrhée éminemment comique et volontairement étouffante, où le protagoniste principal reste longtemps invisible et silencieux, sous l’avalanche d’observations et de conseils que lui adressent ses proches. Tout cela ménage un émouvant final, où tant Émeric que sa mère nous livrent les clefs de ce départ… 
 
D'aucuns diraient que c'est un énième récit d'exode rural que nous propose le comédien valaisan mais tel n'est pas le cas. Un exode, c'est une fuite définitive et sans retour. Or ici il s'agit d'autre chose : d'un éloignement certes, mais sans reniement. C'est une distance vivante, comme celle qui sépare la racine du fruit : « on revient aux racines, là où on sème (s'aime) ».  Cette distance féconde n’est pas sans évoquer de nombreux récits bibliques, où des figures comme Abraham quittent leur terre natale en emportant avec eux l’héritage de cette même terre. Un héritage qui ne les entrave pas, mais les accompagne, les façonne, et rend possible leur propre accomplissement. 
 
En somme, La révérence nous apparaît comme une « leçon d'adieu ». On y apprend à dire « adieu », à quitter sa terre, tout en accueillant l'héritage qu'elle nous laisse (ainsi que son fruit, un très bon vin blanc) !
 
frères Simon Meyer, Thomas Carrique, Rémy Valléjo, Thierry Hubert et Charles Desjobert.
 
La révérence, Théâtre du Train bleu, au Jardin de l'ancien Carmel, du 5 au 23 juillet (jours impairs), à 19h35.

Crédit photo : Gérard Philippe Mabillard