C’est le visage brun et souriant de l’émission du Jour du Seigneur. Depuis douze ans, David Milliat présente la matinée dominicale sur France 2. Mais qu’est ce qui anime l’animateur ? Entretien avec le journaliste, à l'occasion de la sortie de son nouveau livre, La force de croire (Cerf, 2024).
Qu’est-ce qui vous motive chaque semaine depuis douze ans pour présenter l’émission religieuse de la chaîne publique ?
Ce qui m’intéresse c’est d’aller chercher de la joie et de la lumière. Cette lumière ne chasse pas l’obscurité du monde, mais elle permet d’avancer. C’est mon expérience d’orphelin. Le drame ouvre aussi à de nouvelles perspectives. J’aime trouver et éclairer des pistes de vie. J’aime chercher une forme de vérité chez les gens… et j’aime animer surtout.
Comment vous est venue cette chaleureuse aisance orale ?
J’ai perdu mes parents à l’âge de 6 ans. Des années après leur mort, le mutisme était encore ma tanière d’orphelin. Je ne parlais presque pas ni à l’école, ni ailleurs. Trop dangereux ! Un jour, je me suis forcé à parler et me suis volontairement mis en danger. Cette auto-thérapie a porté ses fruits. Je suis devenu journaliste à la radio puis à la télévision. La parole m’a soigné. Je crois viscéralement à la force de la parole ! Les mots sont des lieux de rencontre. Ils ont le pouvoir de changer le cours de nos destinées. Je le vérifie dans mon quotidien. C’est pour cela que je me suis efforcé de sortir de mon mutisme pour affirmer qui je suis, en vérité. Je vais aussi chercher cette authenticité dans la parole de mes invités.
Y a-t-il parfois des tâches pénibles dans le métier ?
Je déteste rester enfermé au bureau et d’ailleurs, je m’organise pour y être le moins possible. Je suis vite exaspéré par les réunions interminables qui durent un match de foot. Le temps presse. Il y a des gens à rencontrer…
Comment cultivez-vous la foi ?
En changeant de regard... en regardant la réalité autrement. C’est le fameux pas de côté, une expression souvent utilisée par le frère dominicain Thierry Hubert, producteur de l’émission. La foi est créative. Même au fond de la détresse. C’est « une force qui nous permet de faire de l’ingénierie sur la réalité » m’a dit un jour le rabbin Floriane Chinsky. C’est un choix. C’est mon choix. J’avance grâce à une force de vie intérieure. Avec le temps, je réalise que si Dieu est quelque part, c’est dans cette force de vie en moi, pas là-haut dans le ciel.
Et l’amour, où le trouvez-vous ?
Même si nous avons manqué d’amour, comme moi, c’est l’autre bonne nouvelle du christianisme, nous sommes aimés par quelqu’un, Dieu. Non par un être supérieur qui nous regarde de loin mais par un Dieu proche qui s’est fait homme. Et qui nous tend un filet d’amour pour faire face au vide auquel nous sommes tous confrontés un jour ou l’autre.
Comment rejoignez-vous les téléspectateurs au-delà du studio ?
J’imagine que je leur parle. Ils m’écrivent parfois. Je les rencontre aussi dans la rue et on discute. Quand je regarde la caméra, je pense à ma grand-mère. Même si elle est décédée, je me dis qu’elle est en face, qu’elle m’écoute. Et je me demande si elle comprend ce que je suis entrain de dire.
En douze ans d’émissions, quel invité vous a le plus marqué ?
C’est certainement le juge des enfants Édouard Durand. À l’époque, il présidait la CIIVISE, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants qui n’existe plus malheureusement. Cette disparition en dit long sur le tabou sociétal autour de l’inceste. Cet homme de loi catholique racontait sa confrontation avec la souffrance indicible des victimes, une souffrance perpétuelle, durant l’enfance mais tous les jours de la vie ensuite. Confronté au pire, cet homme pointait pourtant « une grâce dans le regard des enfants, malgré tout, intacte». Cette force de vie intérieure plus forte que le mal, le vide et la douleur, je l’espère universelle.
L’actualité vous expose en première ligne aux crises et aux chaos, où puisez-vous l’espérance ?
« On voit le mal tous les jours dans la société, on en souffre. On n’en comprend pas les raisons. Le mal est plus visible que le bien mais le bien est profondément à l’œuvre. Il faut se garder d’une illusion qui consiste à croire que le mal est plus fort que le bien.» J’adhère profondément à cette invitation du philosophe François Sureau. Oui, l’espérance est là. La force de vie est à l’œuvre. Je la vois. Je l’éprouve même si je trouve l’existence franchement dure et violente. Notre travail sur cette terre est de discerner le bien, de le cultiver et de l’encourager car le bien est l’être tandis que le mal n’est que néant.
Présentateur d’une émission religieuse, comment vivez-vous le carême ?
J’aime ce temps liturgique. J’aime le vivre comme une mise au point. Comment s’actualise en moi la tension entre la mort et la vie ? Comment la résurrection agit-elle en moi ? La résurrection de Jésus, j’y crois, et elle me concerne. J’en fais l’expérience. Quand je sens la mort m’envahir, je laisse place à la vie. Même si je tâtonne pour trouver l’étincelle, je sais qu’elle est quelque part en moi. La résurrection agit. Jésus me propose une force inouïe. La bonne nouvelle, c’est que cette force est pour tous. Pour faire face au vide auquel nous sommes tous confrontés un jour ou l’autre, il y aura toujours quelque chose, une porte de sortie ou une porte d’entrée, je ne sais pas exactement…un passage, ça j’en suis certain.
Propos recueillis par Magali Michel