« Si on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez ». Avouez qu’il y a de quoi être surpris par un tel conseil ! Lorsqu’une situation est bloquée et que nous ne sommes pas écoutés, est-il pertinent d’insister, d’être ferme, voire de s’entêter ? Sommes-nous invités à démissionner ? Lorsque l’adversité se présente, jusqu’à quel point faut-il finalement que nous persévérions ?

Il faut bien le reconnaître : nous sommes toutes et tous un peu têtus ! Combien de fois — que ce soit au travail, dans nos familles ou nos relations— ne nous entêtons-nous pas, même pour de bonnes raisons ? Combien de fois n’essayons-nous pas d’être fidèle à un projet, une conviction au risque aussi de nous faire du mal ? Ne faut-il pas reconnaître courageusement qu’il y a des moments où —même si cela est douloureux— partir est la décision qui amène le plus d’amour ?

Dans nos existences, le recul est parfois bienveillant si une situation n’est pas féconde ou que les limites de nos compétences ou des autres sont atteintes… Lorsqu’une situation est sans issue ou qu’une relation toxique nous tire vers le bas, laisser la poussière de nos sandales devient ainsi un acte de sagesse et non de lâcheté. Partir devient alors un témoignage ! Si vous n’êtes pas écoutés et accueillis, n’insistez pas !  « Ici, arrête de prophétiser » disait déjà à son époque le prophète Amos !

L’évangile de ce jour nous envoie donc en mission et parle de notre propre destinée. Sur notre chemin, il ne nous invite pas à nous entêter, à nous encombrer —de provisions ou de prévisions— mais à prendre seulement un bâton ! Qu’est-ce à dire, sinon ce sur quoi nous pouvons nous appuyer pour avancer ? Un proche, un être aimé, qui témoigne par sa présence même que Dieu marche aussi à nos côtés…

Regardons maintenant ce que les disciples font sur la route.  Concrètement, ils posent deux gestes : ils expulsent les démons d’une part et font des onctions d’huile d’autre part. L’un recrée en séparant. L’autre réconcilie en soignant. Le premier amène fermeté et le deuxième douceur. Tout l’art de notre mission est de conjuguer les deux, pour mener ainsi « les temps à leur plénitude » !

Le premier geste est celui de l’expulsion des démons… Cela commence par nos propres démons qu’il faut aussi expulser et notre cœur qu’il faut d’abord pacifier. Nous avons tous des vieux démons : tristesse, énervement, impatience, honte, angoisse, colère. Expulser ne veut pas dire détruire, enfuir… mais faire sortir. Prendre distance par rapport à ce qui ne nous fait pas grandir. Non pas refouler nos sentiments, mais les écouter ! Pour le dire autrement, il s’agit de regarder lucidement ce que nous sommes afin de confier à d’autres ce que en nous nous ne pouvons pas porter seul ! Sur la route, ne prenez rien avec vous nous ! Expulser nos démons, c’est donc déposer en Dieu nos colères, nos mépris, nos tristesses… C’est finalement prendre appui sur notre unique bâton —la croix du Christ— pour confier dans la prière ce que nous ne pouvons pas porter seul. Si ton esprit est trop chargé et si ton cœur est trop lourd, ne prends rien sur la route… Appuie toi sur un autre. Cultiver cette droiture du cœur nous permet finalement de rester nous-mêmes et de voyager plus légers !

A côté de cela, les disciples posent un deuxième geste : celui de l’onction. C’est la seule mention dans tous les évangiles de ce geste offert aux malades. L’onction vient mettre de la douceur dans nos relations. C’est le symbole du soin, « la marque de l’Esprit Saint », la tendresse qui procure des forces. Qui que nous soyons, nous avons tous un peu d’huile à répandre : notre ouverture, notre humour, notre accueil pour fluidifier nos relations et assouplir celles-ci lorsqu’elles sont tendues et crispées. Une telle huile nous donne d’entendre sans juger ce qu’un proche a des difficultés à partager. L’huile de la douceur assouplit la raideur des principes, la froideur des arguments. L’huile de la douceur, c’est fondamentalement la tendresse, cette capacité d’adaptation aux circonstances de la route. Elle est cette faculté de ne jamais être cassant lorsque l’imprévu survient. L’huile vient assouplir ce qui est crispé et s’accommode de nos chemins tortueux, pour amener souplesse, conversion et changement.

Comme les disciples envoyés deux par deux, droiture et souplesse, —justice et justesse— doivent aussi avancer ensemble…   Mais si, sur notre route, nous conjuguons à la fois fermeté —en expulsant nos démons— et douceur —avec l’huile de notre tendresse— nous pourrons alors apporter plus encore cette attention bienveillante dont notre monde a tant besoin. Afin qu’amour et vérité se rencontrent, que justice et paix s’embrassent. Amen.

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