« Je me souviens du visage d’une belle et vieille dame, de plus de 90 ans, dont la vie pourtant fut éprouvée dès sa jeunesse. Un an après son mariage, elle donna naissance à son premier enfant, une fille, nommée, Marie-France. Tout à la joie de prendre soin du bébé, elle le vit tomber malade et mourir à 6 mois. La tristesse des nouveaux parents fut immense de porter en terre leur premier née. Ce n’était pas sa destinée. Peu de temps après les funérailles, la jeune mère décida de planter un rosier à côté du caveau de granit gris. Dans le cimetière, la froideur des pierres tombales s’atténuait parfois grâce à quelques bouquets déposés. Mais rarement, avant ce rosier-là, il y avait l’apparition de fleurs poussant entre les tombes.

Ici, par la volonté d’une mère endeuillée, peu à peu, le rosier pris racine, poussa et fleurit, tellement qu’il fallait le couper. A chaque saison et en abondance, il s’ornait de maintes roses dont la beauté et le parfum venaient embellir et embaumé le cimetière. Ce lieu de mort laissait poindre et jaillir une manifestation de la vie. La jeune maman dépassa l’épreuve du deuil, elle donna naissance à six autres enfants. Sa vie s’écoula non sans peine mais aussi avec beaucoup de joie. Comme sur le rosier, il y eut des épines et de magnifiques fleurs qui marquèrent son existence.

Sa foi au Christ était la sève de sa vie qui ne cessa jamais de croître jusqu’à son terme.  Autant qu’elle put elle vint très régulièrement prendre soin du rosier qu’elle avait planté. Pourquoi donc vouloir entretenir cet arbuste fleuri dans un lieu de mort ? Et bien, cette vieille dame, au beau visage, qui fût ma mère, m’a fait comprendre son désir d’affirmer que la vie est plus forte que la mort. Elle ne souhaitait pas orner un tombeau, elle venait entretenir une relation d’amour avec son enfant. Par cette attitude elle exprimait une espérance. La courte vie de sa fille trop tôt disparue ou celle des autres défunts de la famille partis parfois prématurément ne s’achevaient pas dans la tombe mais se poursuivait en Dieu et dans le cœur de notre mère.

Sans être théologienne ni une grande érudite, elle avait compris ce que Jésus expliquait à ses disciples, à Marthe et Marie les sœurs de Lazare : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? ». Ma mère, chaque jour de sa vie, a répondu : « oui je crois… » non par de grand discours mais par le fait même de planter ce rosier et de l’entretenir sans cesse. Avec cœur et obstination. Avec foi et espérance.

Nous venons d’entendre cette question radicale. « Quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? ». Elle prendra tous son sens au Jour de Pâque. Mais quelle réponse y apportons-nous ? En proclamant notre foi chrétienne, tout à l’heure, nous dirons : « je crois à la résurrection des morts et à la vie du monde à venir ». La vie dépasse les limites de notre monde comme la constante beauté du rosier auprès de la tombe. Nous n’avons pas été créés, conçus et enfantés pour une durée limitée mais pour la vie éternelle. Si cette perspective nous effraie parfois, ne devrait-elle pas nous remplir de joie dès à présent ? Nous vivons pleinement notre existence terrestre et nous demeurerons vivants auprès de Dieu. Cet au-delà nous engage dans notre aujourd’hui.

Alors que nous sommes confinés chez nous, seul ou en famille, dans nos résidences et maisons de séjour, dans nos hôpitaux, alors que la maladie nous affecte, que le deuil nous touche et nous peine Alors que nous subissons la diffusion d’un virus, Comme Marthe et Marie, nous nous tournons vers Jésus pour demander la guérison et la protection de ceux qui nous sont chers.

Sainte Thérèse de Lisieux, elle, nous propose un chemin, ce qu’elle appelle sa « petite voie » : « Jésus, Je n’ai d’autre moyen de te prouver mon amour, que de jeter des fleurs, c’est-à-dire de ne laisser échapper aucun petit sacrifice, aucun regard, aucune parole, de profiter de toutes les plus petites choses et de les faire par amour… » Dans la proximité que nous vivons ou malgré l’éloignement imposé, revenant à l’essentiel par un geste simple, une prière continue, une parole de réconfort, nous pouvons dire au Christ notre foi en la résurrection, en la vie plus forte que la mort.

De la sorte, notre monde s’embellira continuellement de toutes les fleurs de l’amour en famille, de relations humaines apaisées, de considération envers les plus faibles. Oui, avec foi et charité osons planter autour de nous des rosiers d’espérance.

Références bibliques :  Ez 37, 12-14 ; Ps 129 ; Rm 8, 8-11 ; Jn 11, 1-45

 

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