Cet Evangile de la Samaritaine, pour beaucoup d’entre nous, on l’a déjà entendu tellement de fois. Comme Robert qui regarde la télé ce matin à Courcelles, en Champagne. Comme Rennes sa voisine. Comme beaucoup d’entre nous qui ne peuvent aller à la messe ce matin dans ce contexte pandémique. Cet évangile, on le connait presque par cœur. Alors que peut-il encore nous apprendre ?

« Si tu savais le don de Dieu » dit Jésus.

C’est ce que Marin, du haut de ses 7 ans, a rétorqué à sa sœur Orlane de 5 ans : Orlane explique à son frère qu’elle s’ennuie à la messe. Et Marin lui répond tout étonné : « si tu saurais c’que c’est que la messe, tu pourrais pas dire ça ! ».

« Si tu savais le don de Dieu ». Il vient de si loin, depuis si longtemps…

Juste après la Création du monde, au tout début, la première parole que Dieu adresse à l’homme, après lui avoir donner la vie, après qu’il ait mangé la « fameuse pomme » comme on dit, la première parole que Dieu adresse à l’homme qui se cachait, c’est : « où es-tu ? ». Depuis le début, Dieu cherche l’homme pour continuer à lui donner la vie.

« Si tu savais le don de Dieu ».

Et comme l’homme continuait à se cacher de Dieu, Dieu a envoyé d’innombrables prophètes. Mais la plupart des humains ont envoyé balader la plupart de ces prophètes. Alors Dieu, fatigué – peut-être comme Jésus au bord du puit de la Samaritaine – Dieu est devenu un homme. Vous connaissez l’histoire : un soir de décembre, Dieu a achevé sa fabuleuse déclaration d’amour pour nous. Il a définitivement abandonné sa toute-puissance pour se lier à nous pour toujours en devenant l’un de nous. Oui, c’est Dieu qui vient à nous, depuis toujours. C’est Jésus qui s’approche du puit de notre quotidien et qui rejoint nos attentes d’être reconnu, d’être aimé… d’exister en plénitude.

« Si tu savais le don de Dieu ».

Y-a-t-il un rapport ce matin entre l’interpellation de Jésus « si tu savais le don de Dieu » et l’exclamation des samaritains « c’est vraiment lui le sauveur du monde » ?

Régulièrement le vendredi, au moins avant les mesures de confinement, à quelques frères prêtres chanceux de la Mission de France, nous célébrons la messe avec notre frère Noël dans sa chambre. Noël est fragilisé par une maladie qui est en train de l’emporter. La table de lit tient lieu d’autel. A chaque fois, peut-être un peu à son insu, Noël nous laisse comme une part de son testament spirituel. Un jour, il a commenté l’Evangile ainsi : « A l’heure de la mort, je n’ai pas peur du jugement dernier. Non pas que je sois un grand saint, mais l’amour et la tendresse de Dieu sont si grands qu’ils me prendront tout entier ».

Pour Noël, à une étape si importante de sa vie, le don de Dieu, c’est son amour et sa tendresse. Pour lui, être sauvé, c’est se laisser saisir dans ce mouvement de tendresse de Dieu vers les humains. L’Evangile, c’est vivre un inouï.

Comment faire alors pour découvrir ce don de Dieu qui nous sauve, cet amour et cette tendresse ? Revenons au geste créateur de Dieu, là où justement il a initié ce don : au début, dans la Genèse, il y a l’action pendant 6 jours et le repos le 7ème jour. L’action et le repos font partie du geste créateur de vie.

« Si tu savais le don de Dieu ».

Dans sa dernière exhortation apostolique – Chère Amazonie, le vieux François, de Rome, attire justement notre attention sur le repos contemplatif. Je cite : « l’être humain tend à réduire le repos contemplatif au domaine de l’improductif ou de l’inutile, en oubliant [qu’ainsi il retire à l’œuvre qu’il réalise] le plus important : son sens »

Pour notre bon Pape, dans la contemplation du monde, il y a le sens de toutes nos actions et de toute notre vie. Malgré les souffrances de nos proches ou de nous-mêmes. Malgré les séparations de tous ordres, malgré les corona-de-toutes-sortes… qui nous imposent si souvent de nouveaux quotidiens. Mine de rien, quel miracle cette vie !

« Si tu savais le don de Dieu ».

Pour découvrir ce don de Dieu, le repos contemplatif est précieux, une sorte de déconnexion de l’action : allez, 1 jour sur 7, 1 carême par an. Et si le carême justement, c’était le temps pour en faire moins, de manière plutôt forcée en ce temps d’épidémie. En faire moins, comme participer à la messe de chez soi grâce à la télé, comme rester à la maison pour garder les enfants cette semaine et après, comme limiter des rencontres associatives, familiales ou amicales… Et si le carême, c’était le temps pour en faire moins et contempler plus ? Et si le carême, comme un désert, c’était le jeûne de l’activité pour entendre cette parole de Dieu d’amour et de tendresse ?

Contempler est une manière privilégiée de découvrir le don de Dieu. Et découvrir le don de Dieu – son amour et sa tendresse – c’est être sauvé. C’est se laisser emmener tout entier dans la vie donnée de Dieu pour que nous soyons tous des vivants, libres et joyeux. Oui, « c’est vraiment lui le sauveur du monde ».

Et aujourd’hui, qui plus est après le passage au stade 3 cette nuit, c’est à nous de prendre soin les uns des autres. C’est à nous de prendre soin de la vie qui nous a été donnée comme un cadeau… depuis le début, depuis toujours. La vie est le bien le plus précieux que nous ayons, personnellement et collectivement.

Contempler, découvrir le don de Dieu et en vivre, c’est le chemin des catéchumènes qui auraient dû ces temps-ci célébrer des étapes importantes vers leur baptême, comme les 10 catéchumènes de Clichy, et tant d’autres ailleurs. Le chemin continue !

 « Si tu savais le don de Dieu ». Nous sommes des vivants. Et mine de rien, quel miracle cette vie !

 

Références bibliques : Ex 17, 3-7 ; Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9; Rm 5, 1-2.5-8; Jn 4, 5-42

 

Vidéos liées

Recevez chaque
semaine vos newsletters :

Les différentes newsletters