Frères et sœurs,

 

Les lectures de ce 8ème dimanche du temps ordinaire nous plongent au cœur de notre démarche jubilaire. Elles illustrent la vie de saint Vincent Ferrier et nous montrent comment marcher sur ses traces dans notre désir de devenir à notre tour, et à sa suite, disciples-missionnaires.

 

Dans la deuxième lecture, l’apôtre Paul invitait les Corinthiens, et nous avec eux, à prendre « une part toujours plus active à l’œuvre du Seigneur », avec pour ligne de mire ce jour où « l’être périssable aura revêtu ce qui est impérissable », « où l’être mortel aura revêtu l’immortalité », où chacun pourra dire « Ô mort où est ta victoire ? »

Sachant que, selon le mot du psalmiste, « le Seigneur bénit son Peuple en lui donnant la paix » (Ps 28, 11), Vincent Ferrier a pris part à l’œuvre du Seigneur en prêchant, dans toute l’Europe, la réconciliation. Dieu sait si l’époque à laquelle il vivait, le Moyen-Âge finissant, avait besoin de paix ! Outre les luttes fratricides alimentées par les rivalités féodales, la Chrétienté occidentale, dont la population venait d’être décimée par la Peste Noire, était déchirée politiquement par la Guerre de Cent Ans et religieusement par le Grand Schisme qui avait vu coexister deux, puis trois papes, chaque tiers de l’Église excommuniant les deux autres tiers qui le lui rendaient bien.

Après avoir mesuré l’inefficacité de son rôle diplomatique au service du Pape d’Avignon, Vincent se lance à corps perdu dans une prédication itinérante qui, des bords ensoleillés de la méditerranée, le conduira jusqu’en Bretagne, où il mourra d’épuisement à Vannes, le 5 avril 1419 au retour d’une ambassade auprès du Roi d’Angleterre.

 

Sa prédication, si elle vise à établir la paix entre les hommes, ne se borne pas à organiser un vivre-ensemble purement temporel, elle est tout entière tournée vers les fins dernières, vers « la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence » (Ph 4, 7), vers « l’espérance de la gloire » (Col 1, 27) ce qui lui valut le titre d’Ange de l’Apocalypse, tant il est vrai que le vivre-ensemble suppose un idéal qui transcende nos appartenances, un idéal qui soit le bien de tous et qui ne puisse faire l’objet d’une appropriation par personne parce qu’il appartient à Dieu. Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ! Pour Vincent, la Paix entre les hommes est conditionnée par la Gloire de Dieu. S’il est vrai qu’il faut la construire, il faut d’abord l’accueillir comme un don.

 

 

Notre époque qui voit le lien social se désagréger sous l’effet de l’individualisme et du chacun pour soi généralisé n’a-t-elle aucune leçon à tirer de l’enseignement de Vincent ?

Si nous voulons, comme le fit Vincent, prendre « une part toujours plus active à l’œuvre du Seigneur », par l’annonce joyeuse de la Bonne Nouvelle, ne devons-nous pas considérer qu’elle est précisément l’œuvre du Seigneur et non la nôtre ? N’est-ce pas là le premier aveuglement que nous avons à combattre ?

Sortir de notre aveuglement, comme nous le recommande l’évangile que nous venons d’entendre, suppose de notre part une véritable conversion.

Cette conversion, saint Vincent Ferrier l’a vécue de façon radicale, lorsqu’en Avignon le 3 octobre 1398, alors qu’il allait mourir, le Christ lui apparut et le guérit en lui disant « désormais tu prêcheras à la manière des Apôtres ». La poutre qui était dans son œil et qui, malgré toute sa bonne volonté, l’empêchait de voir autrement qu’à l’aune de son allégeance à la Papauté d’Avignon, disparut ce jour-là et élargit son regard à la mesure de la Chrétienté et à la mesure du monde. Lui qui avait écrit un traité pour soutenir la légitimité du Pape d’Avignon, lui qui était le confesseur du Pontife et qui ne comptait d’amis que dans son obédience, va faire le deuil de son œuvre intellectuelle et de toutes ses affections humaines pour n’être plus que le reflet d’une Vérité qui le dépasse : « une fois bien formé le disciple sera comme son maître ».

 

De quelle poutre devons-nous libérer notre regard pour travailler à l’unité de l’Église ? À quels dépassements devons-nous consentir ?

Mercredi prochain nous entrerons en Carême, temps de conversion. Pour que, dans l’annonce de l’évangile, nous ne confondions pas l’efficacité des moyens et la fécondité du message, demandons au Seigneur qu’il convertisse notre cœur afin que nous portions de bons fruits, et à l’image de saint Vincent dont nous célébrons les 600 ans du retour à Dieu, des fruits qui demeurent.

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