Comme aumônier d’hôpital au CHU de Strasbourg, je me trouvais il y a quelques mois, aux premières loges de la peur provoquée par l’épidémie du COVID19. Avec tous les soignants, j’ai fait l’expérience de la fragilité et de l’extrême vulnérabilité de l’homme. Mais j’ai aussi partagé la belle solidarité et l’engagement sans faille qui unissaient tous les acteurs au chevet des malades, depuis l’humble agent des services hospitaliers jusqu’au grand professeur.

A la suite de ce contexte tragique, à l’image de Jésus affecté par la mort de Jean-Baptiste, j’ai ressenti le besoin de prendre du recul, de faire le point, de revenir sur ce qui m’a touché et déstabilisé. Il y a eu le temps des remises en question, le temps du doute, jamais le temps de l’oubli. Frères et sœurs, durant toute cette période dramatique, vous êtes restés chers à mon cœur : vous les amis de Molsheim qui auriez aimé fêter plus solennellement encore les 1200 ans de la fondation de votre ville, vous avez dû vous adapter à la crise et vous aussi amis du « Jour du Seigneur », vous avez été marqués par cette pandémie, certains d’entre vous ont peut-être été contaminés et d’autres ont perdu un être cher, terrassé par le virus…

Sachez-le, ma pensée affectueuse était auprès de vous, car nul ne peut, parce qu’il a souffert, se recroqueviller sur lui-même et rester insensible aux souffrances qui frappent l’humanité. En tout cas, telle est l’attitude de Jésus dans l’Evangile de ce jour. Après avoir connu des épreuves, il avait besoin de se retrouver seul à seul en intimité avec son Père, mais c’était sans compter sur cette foule qui le suivait. Alors il fut saisi de pitié et guérit les infirmes. Pauvre cortège d’estropiés, de boiteux, qui se met en marche vers celui qui peut les guérir. Détresses aux mille visages, celui des paralysés de l’existence, des malades, des personnes âgées et impotentes, des relégués de toutes sortes… Tous accouraient voir Jésus dans l’espoir de trouver un peu de réconfort et de retrouver la santé. Jésus est bouleversé, saisi aux entrailles, c’est la parfaite expression de la tendresse de Dieu. Jamais il ne pourra se séparer de cette foule vers laquelle le Père l’a envoyé.

Mais voilà, le soir tombe. Cette foule au ventre creux est venue les mains vides, elle attendait tout de Jésus. Aucun n’avait emporté de nourriture pour la route. Les disciples restent pragmatiques. Il faut les renvoyer afin que chacun puisse acheter de quoi manger. Autrement dit, ils n’ont qu’à se débrouiller ! Jésus ne peut accepter une solution aussi peu généreuse. Plutôt que de renvoyer ces miséreux avec lesquels les disciples viennent de vivre une belle rencontre, il provoque leur propre responsabilité. Il les invite à leur donner eux-mêmes à manger. Les disciples avaient bien quelques réserves : cinq pains et deux poissons : réserves dérisoires. Jésus va agir à partir de ce petit rien partagé. Il va multiplier ces maigres victuailles. Et voici le divin fruit de l’amour universel. Nous pourrions nous arrêter à l’aspect miraculeux de ce texte, mais Jésus nous délivre une leçon plus profonde : il ne faut pas tout avoir pour commencer quelque chose, il nous faut donner le peu qu’on a et Jésus saura bien en faire quelque chose de grand.

Frères et sœur, comme nous ressemblons à ces disciples ! Face à toutes les faims qui torturent les foules humaines, notre première réaction est de dire : « qu’ils s’arrangent, qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse ». Nous avons besoin d’être sérieusement secoués par le Christ. Il ne va pas faire des miracles pour nous dispenser de nous engager, alors que nous avons largement de quoi mettre la main à la pâte.

Frère, sœur, ami,
Quand la détresse aux multiples aspects t’assaille et que tu te sens impuissant, rappelle-toi : tu disposes au moins de cinq pains et de deux poissons. C’est peu, mais avec le Christ, ça peut faire toute la différence. Il te suffit de donner ce dont tu disposes : d’un peu de temps, d’argent, de sympathie, d’amitié, de sourires… Ce don que tu fais sera contagieux, il sera le « miracle des mains vides ». D’autres, à ton exemple donneront à leur tour. Et même si la portée de tes actes t’échappe, viendra le jour où tu découvriras que tu as été capable avec tes frères de nourrir la multitude. « Fais-le et ça se fera »

Amen

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