«Un peu moindre qu’un Dieu»

À voir autour de nous, comme une couronne, les montagnes qui dormaient, plus noires qu’est noir un mouton noir, à voir, cette nuit-là, le ciel et les planètes, Mars et Vénus et Jupiter, et les Perséides tombant en pluie d’argent, et les étoiles par myriades et les galaxies et la couronne immense de la Voie lactée d’un bout de la Terre à l’autre — à voir tout cela, cette nuit-là, dans le Haut-Atlas marocain, alors que nous avions vingt ans et que nous étions de pleins de rêves et d’idéaux et d’orgueil, alors que nous nous prenions alternativement plusieurs fois par jour pour très nobles ou très misérables mais de toute façon très importants — à voir cette indicible splendeur, cette nuit-là, nous nous sommes demandé : qu’est-ce que l’homme, Seigneur, pour que tu penses à lui ? Que sommes-nous dans cet univers, tandis que la Terre cingle dans l’espace, tout en tournant autour du Soleil, à la vitesse de 700 000 km/h, et nous poussière sur ce vaisseau ? Que sommes-nous devant Dieu si l’œuvre de Dieu est aussi grande, aussi belle, aussi incommensurable à notre petitesse ?

Dieu lui-même répond : nous sommes un peu moindres que lui. Nous sommes à peine moindres que lui.

Dieu répond qu’il met toute son œuvre, sa Création bien-aimée, à nos pieds comme un dépose un cadeau. Qu’il nous a faits maîtres de tout cela, maître du moins de le comprendre. Que par le don de sa Sagesse, c’est-à-dire de l’Esprit, il nous a fait remonter le temps par les causes et les conséquences, découvrir merveille sur merveille, plonger dans l’atome et rejaillir dans les galaxies, enfin qu’il nous a donné l’intelligence. Nous avions vingt ans, et nous pensions face à l’œuvre de Dieu.

Ensuite Dieu répond qu’à nous, dont la taille n’est rien devant celle d’une étoile, il a donné ce qu’aucune créature n’a reçu, c’est-à-dire l’espoir du Salut, la honte d’avoir fait le mal et le désir de faire le bien, la fidélité, la fierté, l’admiration, l’altruisme et la foi. Quand dans le cœur d’un gamin de vingt ans qui regarde les étoiles il y a ce qu’aucune créature dans la Galaxie ne possède : il y a dit saint Paul, « l’amour qui a été répandu dans nos cœurs », et dans nos cœurs seuls, « par l’Esprit saint qui nous a été donné ».

Enfin Dieu répond — c’est l’Évangile, c’est l’annonce incroyable que nous fait Dieu lui-même, puisque Jésus est Dieu lui-même ­—, Dieu répond qu’à nous seuls il est offert d’entrer dans son mystère à lui, Dieu, et de prendre place en tant que Fils dans la Trinité. Que la vérité que le Père a fait connaître à Jésus il nous la donne, que l’amour que le Père a donné au Fils il nous le donne aussi, enfin que nous, les enfants des hommes, nous sommes ses fils et que dans ses fils il a mis tout son amour.

 Ainsi donc, poussières de vingt ans sur une planète cinglant dans l’infini éblouissant d’une nuit d’août, nous étions plus que cette planète, nous étions plus que les étoiles et plus que l’Univers, nous étions à peine moindres que Dieu, nous étions fils de Dieu. Ce que nous contemplions n’était que le reflet de notre propre grandeur et de la grandeur de tout homme, nous, le chef-d’œuvre de Dieu et ses fils bien-aimés.

Frères et sœurs, regardez-vous. Regardez vos amis, regardez vos proches et vos voisins sur ce banc d’église. Vous voyez un fils, une fille de Dieu ; vous voyez l’œuvre, et le reflet, et le visage de Dieu.

Amen.

Références bibliques : Pr 8, 22-31 ; Rm 5, 1-5 ; Jn 16, 12-15

 

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