L’Evangile que nous venons d’entendre fait retentir la question la plus décisive de nos existences : « Que dois-je faire pour avoir part à la vie éternelle » ? Cette question ne va pas de soi. L’existence de la vie éternelle était claire pour les Pharisiens, mais pas pour les Saducéens. Et, dans cette question, il y a déjà un lien essentiel : « que dois-je faire pour avoir part à la vie éternelle ? », non pas « que dois-je penser ? » non pas « à quel groupe religieux dois-je adhérer ? ». Mais « Que dois-je faire, très concrètement, dans mon existence » ?

Jésus commence par renvoyer à la Loi. Cette Loi centrée sur l’amour de Dieu et du prochain. Cette Loi que Jésus vient porter à son achèvement. Nous sommes ici à un point central d’articulation entre le Première et la Nouvelle Alliance. Il s’agit de passer de l’amour de la Loi à la Loi d’amour, à partir d’une question décisive : « qui est mon prochain » ? Voilà une question qui peut nous sembler banale.  Or c’est la nouveauté révolutionnaire de l’Evangile que de mettre sur le même plan le commandement de l’amour de Dieu et celui de l’amour du prochain. On ne sert pas Dieu dans le temple si on ne le sert pas également dans le quotidien de la vie. Et le zèle pour le premier commandement, l’amour de Dieu, ne garantit nullement de vivre le second commandement de l’amour du prochain.

A bien des égards, le prêtre et le lévite sont ici esclaves de la loi.  Nous avons toujours le danger d’idolâtrer les actes de religion, en perdant de vue ce qu’ils signifient en vérité. Ce n’est jamais le culte pour le culte : c’est l’accueil de la présence du Seigneur venant transformer mon cœur, de la manière la plus profonde. Il s’agit de passer des « actes pour Dieu » aux « actes de Dieu ».

Ce Samaritain, c’est le symbole même de l’hérétique et de l’ennemi, et c’est lui qui se révèle libre pour aimer. La persuasion de posséder la vérité durcit fréquemment les cœurs ! Qu’il est grand le danger de s’estimer propriétaire d’une vérité religieuse, propriétaire de la loi et propriétaire de la morale ! Qu’elle est redoutable la loi qui nous conduit à regarder les autres avec un regard de jugement et de condamnation ! Qu’il est magnifique cet Evangile, qui nous invite, d’abord et avant tout, à entrer dans le regard du Christ sur chacun de ceux qui nous sont donnés pour frères ! Il s’agit de se pencher vers l’autre pour le mettre debout.

« Qui est mon prochain » ? Nous sommes ici au cœur de cette parabole avec la question que relance l’interlocuteur de Jésus ! Qui est mon prochain ? On aimerait spontanément avoir des catégories juridiques précises, parce qu’on ne peut quand même pas aimer tout le monde ! La conversion chrétienne n’est pas de s’interroger sur une catégorie légale, mais de passer du passif à l’actif. De passer de : « qui est mon prochain » ? à « quelle est ma capacité à faire de l’autre mon prochain » ? Le prochain n’est pas subi mais voulu !

Lorsque nous arrivons à ce point de l’homélie, nous nous disons peut-être : « Voila encore une leçon de morale ! Il va falloir, dans les jours, dans les semaines qui viennent, que je sois attentif à me pencher vers les pauvres et les blessés de la vie. C’est toujours moi qui doit faire des efforts pour aller vers les autres ! ».

Et voilà qu’il nous faut faire un pas supplémentaire en passant du Samaritain au Christ. Sous les traits du Samaritain nous sommes invités à reconnaître Jésus lui-même, dont le comportement miséricordieux ne cesse de nous éblouir, Lui qui guérit le jour du shabbat, Lui qui est saisi de pitié, Lui qui mange avec les pécheurs, Lui qui est ému aux entrailles.

Eh bien, mes amis, la révolution de cet Evangile c’est de réaliser que c’est moi qui suis ce blessé sur le bord de la route et que c’est Jésus qui s’approche de moi pour venir me sauver. Jésus vient à ma rencontre ; Jésus vient m’offrir spirituellement les soins décisifs de mes blessures ; Jésus me prend sur sa monture ; Jésus me donne d’être accueilli dans cette hôtellerie qu’est l’Eglise, qui n’est rien d’autre qu’un hôpital de campagne… Je suis invité à me laisser être aimé par Jésus, pour à sa suite et à son exemple aimer mes frères, tous ceux dont je croise la route et dont je suis invité à me faire le prochain.

Nous voyons bien le cœur de la question : non pas partir de moi-même, mais partir de Jésus ; non pas me raidir dans une dimension volontariste, mais accueillir cet amour bouleversant du Seigneur, alors même que nous je suis ce blessé sur le bord de la route, et qu’aujourd’hui encore, au cœur de cette Eucharistie, Jésus vient à ma rencontre pour me donner d’avoir part à la vie éternelle que Dieu ne cesse de nous offrir par son Fils dans la puissance de l’Esprit.

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