Que souhaiteriez-vous qu’on dise à votre sujet… lors de votre éloge funèbre ?

Voilà la question assez radicale que je pose souvent à des personnes que j’accompagne, quel que soit d’ailleurs leur âge ! Que souhaitons-nous laisser dernière nous, le jour du grand passage, lorsque la mort surviendra comme un voleur ? Il ne s’agit pas de culpabiliser ou de regretter dès maintenant toutes les fois où nous aurions pu mieux aimer… Mais plutôt de se demander : “Que faisons-nous à présent pour que nos proches se souviennent de nous avec des paroles de joie ?”
Faut-il accumuler dès à présent des mérites ? Faut-il faire maintenant de grandes choses ? Le message de la parabole est surprenant et en réalité à la portée de chacun. Le serviteur qui entre dans la joie de son Maître a simplement été “fidèle pour peu de choses” !

Une personne au soir de sa vie m’a un jour dit : “Je pense avoir raté ma vie”. Cette personne —trop exigeante envers elle-même— ne se reconnaissait aucun talent particulier… mais elle était pourtant l’exemple même du serviteur, humble et fidèle en peu de choses ! Même si certains sont parfois durs avec eux-mêmes au point de penser que leur vie est un échec, l’évangile nous rappelle qu’il y a chez chacun de nous, à tout âge, des facettes de notre personnalité qui peuvent encore mûrir, grandir, bonifier avec le temps…

En ce sens, ne sommes-nous pas les trois serviteurs de la parabole à la fois ? Ne sommes-nous pas mêlés de peurs et de moments de confiance ; de lâcheté, mais aussi de courage, de ténèbres et de lumière ? N’y a-t-il pas des parties qui stagnent en nous, des capacités que nous n’acceptons pas, par timidité, par angoisse ? Lorsque la peur s’installe ainsi dans notre vie, parce que notre existence semble routinière, n’avons-nous pas envie d’enfouir l’unique talent de la vie, que nous avons tous reçu ? D’abandonner parce que nous avons l’impression de ne plus nous appartenir : « J’ai eu peur, et je suis allé cacher TON talent dans la terre ».

Cependant, à côté de nos colères et de nos peurs, il y a aussi des parties plus lumineuses en nous, où nous développons ce que nous avons reçu, selon nos capacités ! En ce sens, vivre c’est fondamentalement prendre le risque d’être soi-même, avoir le courage d’avancer et d’être fidèle, même en peu de choses… C’est cela qui procure de la joie ! Pour cela, il s’agit d’assumer, faire nôtre ce que nous n’avons finalement pas choisi pour nous-mêmes : notre culture, nos parents, nos capacités, nos talents, notre vie tout simplement… Ne voyons pas d’abord les capacités que nous n’avons pas, mais reprenons en main notre vie, sans avoir peur de décevoir, ou d’échouer.

Dans ce combat de tous les jours, reconnaissons humblement que nous ne sommes pas tous “égaux”. Nos talents, nos gènes, notre liberté, notre santé varient d’une personne à l’autre. Toutefois, si nous ne sommes pas égaux, nous pouvons vraiment être “équivalents” dans notre rapport à la vie, dans la façon avec laquelle nous faisons fructifier ce qui nous a été confié. Comment ? En étant fidèle en peu de choses : une relation ou une amitié entretenue, une promesse tenue, une main tendue…

Au-delà de nos différences, nous sommes vraiment équivalents. Lorsque nous nous ouvrons à la confiance, nous avons tous la même valeur aux yeux de Dieu. Les paroles du Maître sont en effet les mêmes pour ceux qui ont gagné 5 ou 2 talents ! Il ne félicite pas davantage celui qui a gagné davantage ! Si la vie ne nous a donc pas rendus égaux dans ce que nous avons reçu, nous pouvons donc découvrir une égalité dans la manière avec laquelle nous donnons notre vie… en devenant, comme le dit la seconde lecture, des fils et des filles de la lumière. La lumière se donne, la lumière se communique ! En ce sens, nous sommes tous et toutes, fils et filles de ce Dieu dont l’unique nature est de se partager, de se donner. Une vie n’a-t-elle pas plus de valeur dans la mesure où elle se donne ?

Alors, ne passons pas notre temps à essayer d’accumuler, d’acquérir les talents que nous n’avons pas, mais prenons plutôt le temps d’accueillir humblement les talents que nous avons reçus, pour devenir rayonnant en cette période si sombre.

Si nous vivons notre vie autrement, humblement, au lieu de rêver d’une autre vie ; si nous faisons la lumière sur ce que nous sommes pour devenir rayonnant, alors cinq talents deviendront vraiment cinq autres talents : cinq doigts de notre main fermée deviendront peut-être cinq autres doigts, ouverts pour donner. Deux talents deviendront deux autres talents, deux mains fatiguées par la vie, deviendront deux mains tendues, pour accueillir celui qui appelle.

Au-delà de nos différences et de nos inégalités, nous pouvons découvrir une telle fécondité, et être, chacun selon nos capacités, des fils et filles de la lumière, des fils et filles de Celui qui nous dit chaque jour “Très bien. Entre dans la joie de ton Seigneur” !

Amen.

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