« Loué soit le Seigneur qui fait naître »

 

Je me demande, frères et sœurs, si les témoins présents au Temple ce jour-là n’ont pas pris le prophète Syméon pour un vieux fou. Et la prophétesse Anne pour une vieille folle.

On dit qu’ils attendaient le Messie. Il y avait beaucoup de monde en Israël, à cette époque-là, qui attendait le Messie. On dit encore que Syméon était persuadé qu’il ne mourrait pas avant d’avoir vu le Messie. Il y avait beaucoup de monde qui croyait, en effet, que l’arrivée du Messie était imminente. Israël frémissait, aux alentours de l’an 0, d’une inquiétude ou d’un espoir de fin des temps.

Mais ce que ces gens attendaient relevait plutôt de la catastrophe finale et de la chute fracassante des rois de ce monde. En tout cas, ce n’était pas un bébé.

Encore moins le bébé d’une famille pauvre qui avait l’accent de Nazareth, c’est-à-dire d’une bourgade impossible quelque part dans les montagnes de la Galilée. Ils n’attendaient certainement pas ça. Le Messie, pardonnez l’expression, le Messie n’était pas supposé mesurer quarante centimètres de long et gazouiller dans les bras de sa mère.

Et puis il y avait ceux, nombreux, qui n’attendaient rien, et ceux encore qui attendaient le pire. Jérusalem occupée, l’horrible Hérode au pouvoir, tous les signes étaient sombres… Et voilà que Syméon éclate en louange et crie que ses yeux ont « vu le Salut » et « la lumière qui se révèle aux nations ! » La lumière en question a dû faire un gentil sourire…

De l’an 0 à notre époque, frères et sœurs, il est facile de faire le rapprochement. Nous n’avons pas grand-chose à célébrer, ces temps-ci.

Sauf, peut-être, ce qui naît.

Et particulièrement chaque enfant qui naît, chaque enfant qui grandit. Chacune de ses vies nouvelles que nous tenons dans nos bras parce qu’elles sont fragiles, mais qui frémit d’espoir. Nous, les adultes, sommes assez marqués par les épreuves, les échecs et les déceptions. Pas seulement, certes, mais enfin, nous connaissons l’amertume. Et voici que notre regard est attiré sur ce qui naît. Ce qui vivra bien au-delà de nous.

 

Si dure que soit notre époque, pour nous, pour notre pays, pour notre Église, des enfants naissent, des fiancés se marient, des œuvres se créent, des amitiés se nouent, des cœurs se convertissent, des livres s’écrivent, et déjà dans ce triste hiver les jours rallongent. Si je pouvais, je ferais comme Syméon : je prendrais un enfant dans mes bras et je dirai : regardez !

Regardez, un enfant nous est donné. Il vit, il rit, il gigote, il a envie de s’échapper de mes bras et de s’élancer vers demain. Regardez cette merveille que Dieu a fait naître.

Et louez le Seigneur avec moi ! Tout est possible :

il sera astronaute, il sera boulanger, il sera berger dans les collines du Béarn, il sera joyeux, il sera doux, il sera fort, il sera saint. Tout est possible à cet instant, à l’instant de chaque naissance, de chaque création, de chaque commencement.

J’ai le bonheur d’être aumônier de jeunes. Car c’est un bonheur. À chaque fois que je rencontre ces adolescents, fût-ce dans une réunion « virtuelle », je vois toute cette vie qui éclate comme un arbre au printemps, toutes ces promesses qui ont pris chair devant mes yeux. Et à la fin d’une journée avec eux, je suis comme la vieille Anne, je parle d’eux et je loue le Seigneur. La vie jaillit, sans cesse, partout autour de nous. À nous de la voir avec un regard neuf, avec le regard émerveillé d’Anne et de Syméon, et, sans craindre de passer pour des vieux fous, ou des jeunes fous, de proclamer la louange du Dieu dont le Salut, chaque jour, même au creux des temps les plus sombres, se révèle à la face des peuples.

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